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Clémence de Titus à Cologne, ou les pièges du temps

Les archives pléthoriques de la radio de Cologne nous proposent une Clémence de Titus témoin d'une époque où l'ultime opéra de Mozart était passablement dénigré.

En dépit de ses qualités musicales, cet enregistrement réalisé pour des besoins radiophoniques est handicapé par l'esprit de l'époque qui voit les copieux récitatifs supprimés au profit d'un texte déclamé par un narrateur en allemand. Le texte n'est certes pas scandaleux et il se limite à narrer l'action entre les airs, mais au regard de l'importance des récitatifs dans cette œuvre, il est impossible de cautionner cette modification.

La réalisation n'est pourtant pas dénuée d'intérêt. En premier lieu, il faut saluer la direction fine, souple et dramatique du grand (1908-1968). Cet immense interprète de Wagner dont la notoriété est malheureusement restée dans l'ombre de ses illustres contemporains, s'est toujours imposé comme un très grand chef de théâtre. Sa conduite porte une grande attention au chant et la musique coule avec une rare évidence. L'Orchestre de la Radio de Cologne suit avec rigueur et discipline la moindre de ses sollicitations.

La distribution s'avère solide mais sans atteindre l'inoubliable. Alors au début d'une immense carrière, le ténor Nicolaï Gedda s'impose comme un Tito de grand style et l'oreille est séduite par le timbre radieux et la musicalité du chant. Ira Malaniuk apparaît surdimensionné pour le rôle de Sesto. Le timbre cuivré est assez séduisant et une technique hors pair lui permet de se jouer de la tessiture du rôle. Même si cette chanteuse semble confondre Mozart avec Verdi, il faut rendre hommage à une telle personnalité. Le reste du casting est bien plus ordinaire et l'on peut faire les mêmes reproches à Hilde Zadek, Isle Wallenstein, Peter Offermans et Gerhard Gröschel : les timbres manquent de personnalité pour transcender les rôles alors que le format vocal est plutôt limité.

La discographie de l'œuvre n'est nullement bouleversée par cet enregistrement parfois intéressant mais qui ne détrônera pas Istvan Kertesz (Decca), Nikolaus Harnoncourt (Teldec), John Eliot Gardiner (DGG) et Riccardo Muti (EMI).

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