- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Vingt ans après …

dirige la Saint Jean

Dans les années 1980, enregistrait les deux Passions de Jean Sébastien Bach. Dans la Saint Matthieu, il était konzertmeister de sous la direction de Gustav Leonhardt. Dans la Saint-Jean, il dirigeait lui-même son ensemble. Ces deux disques (Deutsche Harmonia Mundi) emblématiques avec ceux de Philippe Herreweghe du courant d'interprétation hollando-flamand de Bach sont restés des références, pour leur direction inspirée, pour la qualité de leurs chœurs, et pour leur distribution vocale luxueuse, qui comportait la fine fleur du chant baroque de l'époque (Christoph Prégardien, Barbara Schlick, René Jacobs, Max van Egmont, …). Vingt ans après ces « classiques », revient à Bach en adoptant d'autres options musicologiques, très controversées à l'époque, mais de plus en plus acceptées aujourd'hui : effectif instrumental réduit, plus de chœur, mais un simple ensemble de voix solistes, qui se chargent également des airs.

D'un point de vue historique, cette option qu'on nomme généralement du « un par partie » est très convaincante. Musicalement, ce n'est pas encore tout à fait le cas, car si on trouve d'excellents disques de cantates interprétés selon ce principe (ceux de Konrad Junghänel ou de Philippe Pierlot par exemple), les essais effectués par certains (Harry Christophers, Andrew Parrott, Paul McCreesh, …) dans le domaine plus ambitieux des Passions se sont révélés assez peu concluants, souvent pour cause de solistes vocaux insuffisants, parfois par atonie orchestrale, les chefs semblant effrayés par leur audace, et dirigeant ces œuvres si complexes avec timidité et mollesse.

L'interprétation de ce soir pêche par ces deux aspects : la distribution vocale est faible, et l'exécution orchestrale est timorée et incertaine. Avec le peu de voix qu'il a, le ténor Bernhard Hunziker ne saurait être un évangéliste crédible. L'intonation est précaire, les graves se dérobent sans cesse, chaque son au-delà de la portée est un calvaire, le talent déclamatoire est plus que réduit. Dans les airs, il est un peu plus à l'aise, vocalisant même parfois avec un certain brio. Jan Van der Crabben est un Jésus très honorable, au très beau timbre, mais dont ni les interventions déclamées ni le chant ne montrent une implication à la hauteur de l'enjeu. Petra Noskaiova n'est pas non plus très passionnante, elle délivre un chant scolaire et fade, sans ambition ni intériorité, et la voix est quelconque. Le rayon de soleil de cette soirée vient de la soprano , à l'allemand très appliqué, et dont le timbre instrumental et aérien illumine les deux airs.

Autre motif de satisfaction, les chœurs, dans lesquels nos quatre solistes concertistes sont rejoints par les quatre ripienistes (qui tiennent également les petits rôles comme Pilate ou Pierre). Chantées par ces huit voix, dont les timbres et les styles vocaux s'accordent très bien, les parties chorales sont d'une parfaite lisibilité et d'une fraîcheur, d'une légèreté extrêmement bienvenues.

Le petit ensemble orchestral (sept instruments à cordes, un théorbe, quatre vents et un orgue) est dirigé du violon par Sigiswald Kuijken. Le chef-violoniste tente d'instaurer un climat austère et pieux, mais cette direction ascétique, si elle peut faire illusion les premiers numéros, ne tient pas la distance, l'ensemble manque de feu, de contrastes et de fièvre et frise l'ennui. Une Passion de Bach n'est bien sûr pas du théâtre, mais on aimerait tout simplement plus de cœur et moins de raideur doctorale.

Crédit photographique : © Annemie Augustijn

(Visited 126 times, 1 visits today)