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Agnès Mellon, la voix du recueillement.

Dans les temps incertains qui nous gouvernent, nous avons un peu oublié les fêtes liturgiques et leur signification. La Semaine Sainte commémore les derniers jours du Christ tout comme Pâques célèbre la résurrection du Seigneur. Le concert «Voix et dévotion» nous offre un itinéraire, où le sacré et le profane cohabitent en parfaite harmonie. Paradoxalement, c'est la voix d' accompagnée à l'orgue par Luc Beauséjour, qui interprète les œuvres vocales sacrées sur basse obstinée (ground) de , le Stabat Mater Dolorosa de Giovanni Felice Sances, et la Première Leçon de Ténèbres de  ; tandis que Dom André Laberge, revêtu de l'habit ecclésiastique, joue au clavecin, les Suites temporelles sinon séculières de et de Louis Couperin.

a une voix chatoyante et bien éduquée, – beau timbre et une technique à toute épreuve – idéale dans l'écrin de la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, où la réverbération du lieu ne brouille en aucun moment les nuances apportées par la soprano. Robe d'un bleu cérulé, à l'instar de l'iconographie chrétienne nous rappelant l'image de la madone, fait jaillir d'un halo lumineux, la source sonore. Des stances d'inspiration religieuse, sont déclamées en début de chaque air, précédant en quelque sorte, l'office chanté. D'abord, simples exordes qui nous invitent au recueillement – diction parfaite, angélique, dans la déclamation de poèmes lyriques, comme dans une prière intemporelle – suivent les délices somptueuses lorsque la voix prend son essor, accompagnée dans le jeu d'orgue de Luc Beauséjour, toujours soucieux de la ligne mélodique. Sobriété mais aussi couleurs opalescentes de la voix tournée vers l'idéal. Si l'émotion est palpable dans le Purcell de The Blessed Virgin's Expostulation et plus encore dans La Première Leçon de Ténèbres de , l'expression des passions humaines du Stabat Mater Dolorosa de Giovanni Felice Sances, nous renvoie à la douleur de la Vierge Marie devant les souffrances de son Fils sur la croix. La voix dans son ambitus, de l'aigu facile au grave bien appuyé, démontre certes la dextérité, mais l'intériorité d'une interprète ne cherchant pas à accentuer l'effet virtuose et atteignant la profondeur expressive mise au service du sacré et des textes religieux. Nous gardons en mémoire son dernier enregistrement Les Déesses outragées (lire la chronique) mais dans le cadre plus étroit d'une musique sacrée intime, les lamentations de quelque déité grecque sont commuées en soupirs d'une sainte en son auréole. Le seul malaise que nous ayons éprouvé tout au long du récital, est celui de la voir serrer entre ses mains la partition, faisant écran avec le public et le privant trop souvent du regard ou d'un geste et sans doute de l'abandon total de la cantatrice.

Le jeu de clavecin de Dom André Laberge démontre toute l'éloquence finement ciselée dans le vernis des Suites XIX en do mineur de et de Louis Couperin. À l'orgue, Luc Beauséjour assure la cohésion d'un ensemble entre profane et sacré mais dont l'expressivité relève du baroque de la spiritualité, de l'intimité de l'âme humaine. Le baroque du crépuscule, dans sa toute simplicité, nous rappelle la Semaine Sainte.

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