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Mozart : les Quatuors avec piano par Pennetier et le Quatuor Ysaÿe

Les deux quatuors pour piano et cordes de Mozart, s'ils sont bien les seules compositions du musicien pour cette formation, en dépit des intentions, ne figurent pas moins cependant, et à juste titre, parmi les joyaux de sa musique instrumentale.

Datant d'une période particulièrement féconde (1785/86), contemporains donc des Noces de Figaro, et dans le proche voisinage de la symphonie n° 38 Prague, ils annoncent déjà les grands quintettes KV 515 et 516 de l'année suivante, par cette propension du génial compositeur à réunir dans une même forme la somme de ses préoccupations : chambristes, symphoniques, dramatiques. Le choix du piano comme partenaire des cordes n'en fait pas pour autant un instrument concertant, et ce, malgré la structure adoptée : trois mouvements avec un finale en rondo (comme souvent dans le concerto), mais sans cadences. Et si cette formation instrumentale inspirera – certes bien rarement – les compositeurs ultérieurs (une seule fois, Schumann, trois fois Brahms…), cette structure-là demeure unique, dans ce cas de figure.

La discographie de ces deux chefs-d'œuvre ne manque pas de prestigieuses références : de Clifford Curzon avec les Amadeus, ou Claudio Arrau et les membres du Quatuor de Budapest, en passant par Paul Badura-Skoda, sur pianoforte, et les Festetics…. On pourra néanmoins y ajouter en bonne place le présent enregistrement, tant exemplaires nous paraissent l'équilibre réalisé ici et l'exquise musicalité des interprètes, lesquels atteignent, dans un même souffle et une quasi communion, une profondeur (le Larghetto du KV 493 !) rarement perçue au disque. Les membres du et nous livrent d'évidence le fruit d'une réflexion longuement mûrie, nourrie de leur solide expérience du disque et du concert…. Le KV 493, dans son intégralité, d'ailleurs, représente sans doute la plus parfaite réussite de cet enregistrement animé d'une « vie » extraordinaire ; et s'il faut encore privilégier quelque moment fort, ce sera assurément l'Allegro initial du KV 478 (dans ce même ton de sol mineur que la symphonie n° 40 ou que le grand quintette KV 516), d'une magnifique autorité quasi beethovénienne en son premier thème à l'unisson, suivi de la réponse en double-croches perlées et descendantes du piano. Il n'en faut pas davantage pour vous inciter à dresser l'oreille : attention ! interprètes majeurs… ! Et vous voilà captivés. Phrasés limpides, sonorités et coloris hautement séduisants dans le contraste et la variété, les Ysaÿe rappellent volontiers (et on les comprend) cette caution-dédicace de Yehudi Menuhin à leur adresse : « A ces anges-musiciens, je dois une des plus pures émotions musicales de ma vie. » Une émotion qu'ils sont à même de renouveler ici, avec le précieux concours d'un au clavier, au jeu toujours retenu, infiniment sensible et délicat (les formules cadentielles de l'Allegro du KV 493 !), à ce point sensible qu'au fil de cet enregistrement, et à l'instar d'un Glenn Gould de naguère, il lui arrive de chantonner, renforçant d'un émouvant fredon (que d'aucuns pourront trouver agaçant… ?) le chant ô combien probant de son piano. Mais ainsi que dans l'anecdote bien connue du gourmet qui découvre, au restaurant, un escargot dans sa salade et qui s'en plaint au maître d'hôtel, nous aurions tendance à exprimer la même mise en garde que ce dernier : « Chuuut… ! Ne le dites pas au patron…il va vous le faire payer ! », tant cette voix-là constitue finalement un bonus dans cet enregistrement globalement superbe (où l'on respecte scrupuleusement toutes les reprises), qui bénéficie en outre d'une fort belle prise de son, d'une notice (signée Bernard Fournier) d'un grand intérêt et même – luxe tout à fait inhabituel – d'un glossaire « des termes musicaux », le tout dans une élégante présentation « album », sous le tout nouveau label maison Ysaÿe Records.

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