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Chostakovitch et l’Aciérie de Poldihütte : Symphonie avec images

Dans le cadre de sa série de concerts du samedi : « l'ONB autrement », l' nous convie à une expérience originale : la Symphonie n°8 de Chostakovitch accompagnée d'un film muet de 1916 intitulé : « l'aciérie de Poldihütte pendant la première guerre mondiale ». L'auditeur pourra épiloguer sur l'intérêt d'adjoindre à une musique aussi forte et narrative, un film qui n'a, a priori, aucun rapport avec elle, mais il faut saluer l'immense réussite artistique de cette soirée.

La phalange belge a fort judicieusement remisé Mikko Franck, son inconstant directeur musical, pour faire appel au chef d'orchestre allemand . Peu médiatique, ce musicien est pourtant l'une des baguettes les plus compétentes de notre époque et il sait passer, avec excellence, du lyrique au symphonique : s'imposer dans une symphonie de Haydn, un opéra de Puccini ou une pièce de Berg. L'approche de Haenchen se situe dans l'esprit actuel des interprétations du compositeur russe : des tempi amples et une grande importance accordée à la gradation narrative. Le chef d'orchestre ajoute l'essentiel : une tension dramatique et un gros travail sur les dynamiques. Il prend son temps pour imposer les climats nécessaires à cette symphonie de guerre ; une fois la machine en marche, cette vision s'avère aussi implacable que puissante. Au diapason de cette direction, l'orchestre livre une prestation de très haut vol. L'homogénéité et la projection du son sont superlatives alors que certains solos s'avèrent magnifiques : le cor anglais à la fin du premier mouvement et le basson dans le dernier mouvement. Les cuivres se régalent dans les mouvements centraux tandis que les percussions se déchaînent.

Le film, proposé en partenariat avec la Cinémathèque Royale de Belgique et sur l'initiative d'Eric de Kuyper, est une véritable merveille esthétique. Il nous plonge dans une usine d'armement à proximité de la frontière avec la Bohème. Destiné à la propagande de guerre, cette réalisation témoigne d'une fascination pour la civilisation industrielle et pour la machine. Tout apparaît démesuré, gigantesque et inhumain : les laminoirs, les marteaux pilons, et la nuée d'ouvrières et d'ouvriers. L'image et les prises de vue, particulièrement travaillées, sont un festin pour le regard.

Un grand succès public vient récompenser les musiciens et il faut noter le nombreux public scolaire présent avec une rare concentration à l'occasion du programme pédagogique : « œuvre en cours ». Cette initiative qui prenait fin avec ce concert, associe des classes de l'enseignement secondaire sur le thème de « l'oppression des artistes sous le stalinisme et de manière plus générale de la censure ». Une exposition des travaux des élèves était organisée dans les couloirs de la salle Henry Le Bœuf.

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