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Mozart fait l’épître avec Olivier Vernet

Mozart adorait l'orgue, qu'il couronnait « roi des instruments », et l'on sait par sa correspondance et divers témoignages que ses improvisations faisaient l'admiration de ses contemporains. Mais il n'a en fait composé aucune œuvre solo pour l'instrument, et les organistes doivent donc se contenter de quelques pièces pour orgue mécanique et de dix-sept sonates d'église pour deux violons et basse avec accompagnement d'orgue, dont seules quelques-unes lui attribuent un vrai rôle concertant. Ces sonates d'église accompagnaient l'office et s'intercalaient entre le Gloria et la lecture de l'Evangile, d'où leur nom de « sonates de l'Epître ». Il semblerait que Mozart ait destiné certaines à des messes particulières : ainsi la Sonate K. 329 se joue sans doute durant la Messe en ut majeur K. 317 « Du Couronnement », et la Sonate K. 336 durant la Messe en ut majeur K. 337. Ce sont des pages courtes, plaisantes, enjouées, plus profanes que spirituelles (au sens religieux du terme), tout à fait secondaires dans sa production – des œuvres utilitaires composées pour s'acquitter de sa charge d'organiste du Prince-Archevêque Colloredo. Les concertos pour orgue de son maître, , sont en fait des arrangements de mouvements de ses concertos pour clavier op. 13, peut-être destinés au même usage liturgique.

Le jeu d', aérien et délié, souligne le charme un peu frivole de ces pièces. Dans des tempos modérés, le soliste épanouit simplement des phrases très libres, mettant bien en avant les ruptures du discours avec une vraie vivacité d'articulation. Il est dommage que l'orgue soit un peu relégué à l'arrière-plan par la prise de son, légèrement déporté vers la droite dans une forte réverbération, tandis que les quatre instrumentistes à cordes atteignent presque les dimensions d'un orchestre de chambre. Cette mise en avant leur confère beaucoup de présence, mais accentue une couleur acidulée et ne pardonne pas quelques défauts d'intonation. Cette différence d'acoustique notable entre le soliste et l'ensemble finit par donner l'impression que chacun joue un peu dans son coin ; pourtant, l'entente est manifestement bonne.

Le programme est bien court sans que l'on comprenne vraiment ce qui a présidé au choix des œuvres, d'autant que l'intégrale des dix-sept sonates d'église n'est pas si longue – à peine plus d'une heure. L'arrière du CD voudrait laisser entendre que sont enregistrées ici toutes les sonates avec une partie d'orgue obligée : « La partie d'orgue n'est le plus souvent qu'une basse chiffrée. Elle est cependant rédigée ou carrément concertante dans les 7 sonates retenues pour cet enregistrement ». Ceci est tout à fait inexact : la partie d'orgue n'est pas même chiffrée dans la Sonate K. 67, qui est pourtant enregistrée, alors que sont absentes les Sonates K. 263, avec une partie d'orgue en toutes notes, et K. 329, la plus développée avec une partie d'orgue concertante, mais qui demande l'ajout de vents et de timbales.

Ces œuvres de Mozart ne sont en rien essentielles et il est assez incompréhensible de s'être limité à une sélection si restreinte, d'autant qu'avec une prise de son plus équilibrée on aurait pu avoir une intégrale de référence, qui fait encore défaut. Pour connaître toutes les Sonates de l'épître, on pourra se rabattre sur la très classique version de János Sebestyén accompagné par l'orchestre de chambre Ferenc Erkel (Naxos), traditionnelle mais alerte et musicale.

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