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Carmen seule et vulnérable

Une manufacture de tabacs transformée en bordel (qui remplace également la taverne de Lillas Pastia), pas de Manzanilla ni de danses espagnoles, des enfants qui font tout sauf imiter une garde montante, un torero sans arènes – voici encore une mise en scène de Carmen qui évite soigneusement les éléments espagnols dits folkloriques.

Comme si ce folklore n'était pas présent dans la musique ! Le texte aussi est souvent en contradiction avec ce qui se passe sur scène de sorte que l'on a cru nécessaire d'adapter les surtitres qui, ainsi, ressemblent plus à un commentaire de la production qu'à une traduction du livret. Ce qui est intéressant en revanche en cette production, créée à Cologne en février 2000, c'est la façon dont caractérise Carmen. Cette jeune femme – qui, évidemment, n'a rien d'une bohémienne – joue la femme fatale pour cacher ainsi sa vulnérabilité et sa solitude. Cette Carmen ne peut aimer et en souffre terriblement. Pour cette interprétation le choix de la version originale avec dialogues parlés n'est que conséquent. En même temps, il s'avère problématique puisque la distribution ne contient aucun nom français. Malgré l'effort de tous les chanteurs, il est souvent difficile de suivre le texte parlé.

C'est notamment le cas avec dans le rôle-titre. La jeune mezzo russe chante un français tout à fait correct, mais lorsqu'elle parle, on la comprend mal. A part cela, sa Carmen est une révélation. C'est d'abord grâce à un physique de rêve, mais aussi à une voix de velours, homogène sur toute l'étendue et très riche en couleurs. Avec une facilité déconcertante, elle épouse la vision du metteur en scène et dessine ainsi un portrait à la fois attrayant et troublant de Carmen. On est moins ravi de son Don José en la personne de . Malgré un investissement indéniable, ce joli ténor lyrique n'a ni les moyens ni la technique pour venir à bout d'un emploi aussi lourd.

Tous les autres rôles ont été confiés à des membres de la troupe de l'Opéra de Cologne qui ont pu démontrer une énième fois la qualité de cet ensemble. est un Escamillo idéal, à l'aise dans le grave et dans l'aigu (particulièrement impressionnant), un torero à la fois fier et élégant. En dépit d'un manque de séduction dans le timbre, campe une Micaëla intense et émouvante qui montre ici très ouvertement son amour pour Don José. Parmi les autres solistes, l'on a remarqué notamment le beau Moralès de ainsi que le Dancaïre hautain de .

au pupitre d'un Gürzenich-Orchester très convaincant a su éviter le piège d'une lecture superficielle et bruyante. Un peu traînante au début, son interprétation s'est intensifiée au fil des actes jusqu'à une dernière scène de grande tension dramatique.

Crédit photographique : © Klaus Lefebvre

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