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Evviva il caro contino !

L'Opéra National de Montpellier fait salle comble avec la reprise de sa production de 2003 des Nozze di Figaro. Si la mise en scène avait déjà remporté le succès, la distribution, en grande partie différente, a du faire ses preuves.

Il est à regretter que l'interprète de Figaro ne soit pas vraiment dans l'emploi : semble avoir passé l'âge du valet de comédie et la cavatine «Se vuol ballare» passe difficilement. La voix se réchauffe dans la soirée et son «Non piu andrai» est meilleur, tout en restant un peu terne et affligé d'une appogiature douteuse sur le dernier «brillante». Le rôle est honorablement tenu sur la longueur et le chant reste juste mais sans grand éclat. Le chanteur se révèle en revanche bon acteur dans le rôle du Figaro des Noces moins vif que celui du Barbier, c'est-à-dire un Figaro un peu perdu au milieu de l'intrigue de la Comtesse et de Suzanne, moins inventif et rusé – Suzanne doit lui recommander d'avoir de l'astuce à la fin de la première scène – et déjà désabusé devant l'inconstance des femmes dans son troisième air, «Aprite un po'». Et c'est un choix tout aussi pertinent que celui de camper un valet jeune, rusé et audacieux. Peut-être même est-ce un Figaro plus humain et touchant lorsqu'il se réconcilie avec Suzanne à l'acte IV. illustre également bien dans son «Non più andrai» l'attitude que l'on prête souvent à Figaro, oscillant entre le plaisir d'envoyer à la bataille un jeune homme qui tourne un peu trop autour de sa fiancée et une autre attitude, amicale et protectrice, attendri qu'il est par le «Narcissetto, Adoncino d'amor».

Face à lui, Suzanne est idéalement incarnée par , timbre frais et franc, très à l'aise dans son rôle de servante futée et qui domine Figaro lors de leurs duos. La Comtesse de Simone Nold est très touchante, la voix colorée offre un «Dove sono» somptueux, tout en nuances et particulièrement émouvant. est un caro Contino excellent de bout en bout, en particulier dans «son» acte III avec un «Vedrò mentr'io sospiro» très applaudi. Il domine le plateau et illumine la production de son timbre magnifique. La perfection du chant égale chez lui la prestance du personnage qu'il campe, mauvais jusqu'au bout, hypocrite, mais également drôle, et, moins manichéen que beaucoup d'interprètes du Comte, même touchant lorsqu'il demande pardon à la Comtesse. La voix encore jeune du Chérubin de Stephanie Atanasov est déjà dotée d'une bonne technique mais n'est pas toujours très maîtrisée – le «Voi che sapete» un peu hurlé à la fin – mais là où elle perd en rigueur, la jeune chanteuse gagne en fraîcheur et en spontanéité. Son jeu est plein de charme, adolescent émoustillé par toutes les femmes du palais et les yeux qui brillent lorsque Figaro lui fait miroiter la gloire militaire qui est censée l'attendre. est un très bon Bartolo, au phrasé élégant et précis ; sa «Vendetta», passage difficile et parfois négligé, tonne littéralement. a été remplacée au pied levé par Olga Tichina, chaudement félicitée par le public et le chef pour sa courageuse reprise. Avec en moins pour le spectateur, le plaisir du duo Marcellina-Susanna du premier acte où il ne fait nul doute que eût fait merveille.

La mise en scène conserve la situation de l'intrigue au XVIIIe siècle sans tomber dans les écueils qui guettent la reconstitution historique. Le décor de chaque acte n'est qu'une grande salle que quelques objets suffisent à caractériser. Ainsi, la sobriété s'alliant à une gestuelle contemporaine permet une modernité bienvenue et semble vouloir clamer que les sentiments humains sont des constantes et que le propos de ces Noces – où l'amour est le moteur de l'action – reste bien actuel. replace la «folle journée» dans son contexte de commedia per musica. L'humour prévaut, et toujours de bon goût. D'où peut-être la composition de Basilio. En effet, fait de Basilio un véritable personnage de composition, truculent, efféminé et très «âme damnée» qui vient titiller les autres personnages dont le pauvre Chérubin.

se régale dans la fosse, dans un répertoire qui semble fait pour lui. Sous sa direction, l'orchestre est homogène et efficace, les tempi vifs sans être trop précipités.

Seuls manquaient à l'équilibre de cette folle journée des surtitres un peu plus généreux. Ceux-là ne dispensaient que le minimum nécessaire à la compréhension de l'intrigue, laissant aux seuls initiés le plaisir du texte de Da Ponte, sa verve et la charge revendicative tout droit issue de Beaumarchais.

Crédit photographique : © Marc Ginot / Opéra National de Montpellier

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