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Jean-Marie Leclair par Patrick Bismuth

Après la belle réussite des Sonates du Rosaire de Biber (chez le même éditeur), , toujours en compagnie de ses complices de La Tempesta, nous propose, de , le Quatrième Livre des sonates pour violon et basse continue. Attention…ça décoiffe !

Leclair, sans conteste le plus important compositeur français de sonates pour violon au XVIIIe siècle, nous livre dans ce recueil la quintessence de son art. Et du point de vue de la virtuosité, des difficultés techniques (pour le violon), il faudra attendre un Paganini, au XIXe, pour trouver de la surenchère. Fétis, l'auteur de la fameuse Biographie Universelle des Musiciens, nous dit que, dans le Dictionnaire Dramatique de l'abbé de La Porte (et Chamfort), on peut lire : « Il manqua toujours à Leclair cette portion de génie qui sert à cacher l'art lui-même, de manière qu'il devienne presque insensible dans la jouissance de l'effet. » En fait, s'il a manqué quelque chose à Leclair, c'est peut-être bien de ne pas être né Italien ; car des noms tels que Locatelli ou Tartini (ses contemporains), ça vous titille autrement l'oreille de ce côté-ci des Alpes ! Et puis, plus manifestement, notre compositeur ayant bien peu œuvré dans l'opéra (il n'en a laissé qu'un seul), si ce jugement se rapporte aux seules compositions instrumentales, c'est, en la matière, singulièrement négliger le rôle de l'interprète, absolument prépondérant ici.

Le jeu souverain, conquérant, plein de panache d'un , véritable violon « pur-sang », allié à un superbe continuo, riche de combinaisons variées (entre violes de gambe, clavecin et théorbe) font de cet enregistrement un jalon essentiel de la discographie Leclair. D'autant que s'impose, à l'audition, une « vérité » stylistique enthousiasmante. Sarabandes, menuets, gigues et autres tambourins ou gavottes ne sont pas de vains mots pour qui ne perd pas de vue que ce sont là des danses ; et à ce titre elles sont dispensatrices de mouvement. Un mouvement qui naît du phrasé, dans le tempo adapté. Aussi les attaques sont-elles franches, tranchantes, et les musiques de Leclair s'imposent-elles alors par d'irrésistibles élans, un jeu de souple élasticité (Ah ! l'élégance de ce Minuetto de la Sonate n°1, suprêmement dansant, dans son balancement baroque), et une virtuosité flamboyante, sans ratures ni surcharge (extraordinaire Tambourin de la sonate n° 3, ou virtuosité du presto final de la sonate 4, et plus encore celle de l'Allegro initial de la sonate 6, que termine une ébouriffante Giga prestissimo !). Autant d'exemples rehaussés encore, en toutes occasions, de la plénitude d'une Basse continue jamais « plombante », et qui illustrent le caractère particulièrement abouti de ces disques.

S'y ajoute la verdeur des sonorités (sans toutefois d'excès d'acidité) et qui confère à l'interprétation une bienfaisante fraîcheur et l'installe dans une rayonnante jeunesse.

Quant aux deux sonates (n°2 et 7) confiées à la flûte, elles constituent un agréable et bienvenu relais au violon, nous permettant de goûter au passage les belles qualités de timbre et d'intonation de la flûtiste Valérie Balssa. Enfin, autre atout non négligeable de ce coffret : une prise de son superlative, de grande transparence, réalisant un remarquable équilibre entre les instruments.

(1697-1764) : Quatrième Livre de Sonates pour violon (éventuellement flûte) et Basse continue. Patrick Bismuth, violon ; Valérie Balssa, flûte (traverso) ; La Tempesta : Hélène Dufour, clavecin ; Mathias Spaeter, théorbe ; David Simpson, Lucas Guimaraes, Martin Bauer, violes de gambe. Enregistrement : été 2005, en l'église de Bon Secours, à Paris ; notice bilingue (français, anglais) ; Durée 3h 10' ; un coffret de 3 Cds Zig-Zag Territoires 060401. 3 (distribué par Harmonia Mundi).

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