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Ropartz, ou le triomphe du classicisme au XXe siècle

Voici chez Timpani le deuxième volume de l'intégrale des Symphonies de Ropartz, comprenant les n°2 et n°5, et succédant au Volume 1 qui nous avait révélé les Symphonies n°1 et n°4. D'ores et déjà il est donc possible de se faire une opinion réelle sur cet ensemble essentiel de l'œuvre de Ropartz, puisque la Symphonie n°3 avait déjà été enregistrée en juillet 1985 par et son Orchestre du Capitole de Toulouse (chez EMI 7646892). Toutefois Timpani ne compte pas évidemment en rester là, puisque cette Symphonie n°3 achèvera bientôt son cycle, avec en prime la Petite Symphonie de 1943 pour faire bonne mesure, contrairement à EMI.

Le compositeur intègre et consciencieux qu'était Guy Ropartz fut toujours sensible aux appréciations de ses collègues et amis musiciens, aussi bien qu'il s'efforça, dès le tournant du XIXe – XXe siècle, de s'émanciper de l'influence de son maître César Franck, en élaborant des chefs-d'œuvre d'autant plus personnels qu'ils s'orientent vers une expression plus dépouillée, moins tendue, dont l'aboutissement sera la sereine Symphonie n°5. S'il était logique que Timpani regroupe les Symphonies n°1 et n°4 en raison de leur contenu expressif et surtout de leur forme tripartite identique vif-lent-vif avec Scherzo imbriqué dans le mouvement lent, il était tout aussi adéquat en l'occurrence d'associer les Symphonies n°2 et n°5, toutes deux cette fois sous la forme plus « classique » en quatre mouvements distincts, avec Scherzo dissocié du mouvement lent et placé avant lui (selon le modèle de la Symphonie n°9 de Beethoven).

La Symphonie n°2 en fa mineur (1900) conserve de la première la structure du mouvement initial Allegro en forme-sonate précédé d'une introduction lente relativement sombre, caractère renforcé par la tonalité de fa mineur. On oscille entre Beethoven (celui de la Symphonie n°9) et Magnard (la Symphonie n°3), ce qui n'a évidemment absolument rien d'incompatible ; un Finale Allegro molto décidé conclut l'œuvre à la manière du d'Indy de la Symphonie Cévenole. Il est étonnant que la Symphonie n°2 ait reçu un accueil moins chaleureux que la précédente, alors qu'elle est d'une approche plus directe tout en conservant une profondeur de pensée analogue ; mais il ne faut pas oublier qu'une malencontreuse succession de circonstances malheureuses empêcha une première exécution correcte et favorable, et Ropartz fut très affecté par cet échec relatif qui l'amena à se désintéresser de l'œuvre – même s'il ne la renia jamais totalement – au point qu'elle faillit disparaître définitivement.

Quarante-cinq années plus tard, Ropartz livra au monde musical cette incomparable Symphonie n°5 en sol majeur (1945), œuvre sereine d'un musicien octogénaire, où l'on retrouve, décantées, épurées, toutes les caractéristiques de beauté et d'élévation de son art ; et pourtant, même au crépuscule de sa vie, Ropartz doute encore : « Je me demande ce que cela va donner. C'est d'une telle simplicité que j'ai peur que cela paraisse puéril. » Paroles d'un être d'exception constamment à la recherche d'un idéal artistique infini… Dans la plaquette exhaustive du CD, Mathieu Ferey et Benoît Menut parlent d'» Éloge de la simplicité ». Nous préférons évoquer le classicisme plutôt que la simplicité, car de la sorte Ropartz est rapproché des grands noms de la musique auxquels la tradition le relie, et par ailleurs souvent à notre époque on confond simplicité avec simplisme ; or une écoute attentive de la musique de Ropartz, si dépouillée soit-elle, révèle des trésors de subtilité et de raffinement – notamment au niveau de l'harmonie – bien loin d'être simplistes. Heureux les mélomanes ayant pu assister, le 14 novembre 1946, à ce concert de l'UNESCO au cours duquel Charles Münch dirigea en création parisienne ces deux immenses chefs-d'œuvre d'expression si différente mais d'égale noblesse que sont la Symphonie n°3 « Liturgique » d'Arthur Honegger et la Symphonie n°5 de Guy Ropartz : époque bénie non pas évidemment par les événements absurdes et désastreux qui la dépareillèrent, mais bien par la réalisation, en contrepartie, d'œuvres dont on peut se demander s'il en a existé d'équivalentes depuis.

Admirons sans réserve les interprétations de et de son admirable  : tout comme pour son disque précédent, il nous offre des exécutions constamment inspirées et rayonnantes de beauté, et la prise de son, toujours exceptionnelle, a su préserver ces instants magiques. Des CDs d'un tel niveau de qualité artistique et technique, on en redemande !

À lire : ou Le Pays inaccessible par Mathieu Ferey & Benoît Menut. Éditions Papillon, collection Mélophiles, Troinex/Drize 2005.

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