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De la légèreté à l’ironie

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Outre le souci de renouvellement du répertoire qui caractérise depuis ses débuts le festival de Radio France et Montpellier, il faut noter la volonté de se démarquer des habitudes poussiéreuses qui systématisent les programmes : le sempiternel agencement ouverture-concerto-symphonie est oublié le temps de l'été. Place à l'opulence : les concerts durent parfois plus de deux heures, et chaque soliste joue deux œuvres concertantes. Même lorsqu'il s'agit d'Evgeny Kissin. Invité régulier du festival, il interprétait le dimanche 16 juillet le concerto en la mineur de Schumann ainsi que le premier concerto de Chostakovitch.

Mais, anniversaire oblige, il était fort à propos d'inaugurer le concert par Mozart, qui répond idéalement à l'ambiance bon enfant régnant dans les festivals. était à la tête du Philharmonique de Radio France pour diriger la symphonie no 31 dite parisienne. Nous devons sans doute à l'acoustique sèche et lointaine de l'opéra Berlioz une perception atténuée de la dynamique : l'œuvre perd alors ses nuances et ses reliefs. C'est regrettable, d'autant que les bruits parasites émis par un public visiblement excité (il faut comprendre toussotements et autres râles moribonds) ont obligé le chef à entamer un quatrième mouvement de manière intempestive, sans doute pour couvrir et mettre fin à cette cacophonie.

Les mêmes défauts d'acoustique se sont fait malheureusement sentir lors de l'exécution du concerto de Schumann. Orchestre et piano formaient deux entités disparates, la clarté, les nuances et le geste direct d'Evgeny Kissin couvrant par moment l'orchestre. Cependant, c'est d'une réussite qu'il faut rendre compte, Kissin et Foster bravant les écueils dictés par la salle pour distiller un romantisme inspiré et mesuré.

On ne sait ce qu'il faut penser de la suite Mozartiana de Tchaïkovski. Est-ce une production légère, plaisante, tout à fait à sa place dans une programmation estivale? Doit-on chercher à estimer sa valeur musicologique, et dans ce cas rendre compte des approximations de nombre de variations? Soucieux de rendre hommage à un compositeur qu'il « déifiait », Tchaïkovski a profité du centenaire de la création de Don Giovanni pour écrire une suite basée sur des fragments épars de l'œuvre de Mozart. Ceux-ci sont réorchestrés à sa manière, c'est à dire avec une plume post-romantique ici digressive. A titre d'exemple, l'Ave verum, réintitulé « preghiera », prend des allures scandinaves, baigné dans un jour irisé… On peut être plus ou moins séduit, sinon irrité par de telles « profanations », mais les variations conclusives sont les plus propres à faire taire les divergences de jugement : elles sont véritablement comiques. A commencer par le thème, dont le caractère parodique se retrouve décuplé lors des deux dernières variations. Turqueries et autres bouffonneries nous rapprochent ici du cirque, avec pour attrait principal le défilé d'animaux de basse cour : le premier violon se prend pour un pigeon, et roucoule interminablement, bientôt imité par une clarinette déguisée en pintade. Cependant la faiblesse de la composition ne doit pas masquer la performance des musiciens du Philharmonique, à l'aise dans une œuvre difficile.

Peut-être la programmation d'une telle œuvre se justifiait-elle en regard de la suivante, qui face aux roucoulades pseudo mozartiennes ne pouvait paraître que plus cynique. D'un classicisme qui faisait écho à la Symphonie parisienne, le concerto pour piano et trompette de Chostakovitch jongle entre tristesse, morbidité et ironie. Le public montpelliérain retrouve Evgeny Kissin ici partenaire de l'excellent Bruno Nouvion. La mise en place redoutable n'effraie visiblement pas chef et solistes, qui en implacables virtuoses ont pu donner la primauté à l'expression.

L'euphorie collective gagne le public, qui, conscient d'avoir assisté à un grand moment se lève pour saluer les artistes et implicitement un festival de haute tenue.

Crédit photographique : (c) DR

 

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