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Intégrale des oeuvres pour violoncelle de Chostakovitch

Voici qu'en cette année 2006 de l'anniversaire des 100 ans de la naissance de apparaît un nouveau disque chez Nimbus consacré aux œuvres pour violoncelle du compositeur russe. Hormis les deux concertos, Chostakovitch composa également en 1934 une sonate pour violoncelle et piano, et son ultime chef-d'œuvre, la sonate pour piano et alto op. 147 fut arrangée pour violoncelle par Daniil Shafran.

Le grand violoncelliste russe Mstislav Rostropovitch, élève de Chostakovitch, a été l'heureux dédicataire des deux œuvres concertantes ; il a créé le Premier Concerto le 4 Octobre 1959 à Leningrad avec Mravinsky à la baguette de l'Orchestre Philharmonique. L'œuvre remporta rapidement un vif succès national et international. L'allegretto initial est tout entier emporté par le rythme d'un thème nerveux et mouvementé, dans une sorte de fuite en avant implacable, une marche irrésistible et ininterrompue. Un contraste extrême s'effectue avec la beauté mélancolique du second mouvement, où règne un climat de tristesse et d'anxiété difficilement consolables. Comme dans nombre des mouvements lents de ses différentes œuvres, en particulier dans ses quatuors, c'est par une poignante beauté que Chostakovitch invite l'auditeur à contempler un paysage vide et angoissant, à le placer devant un abîme ténébreux, absurde et sans fond. La cadenza du troisième mouvement nous plonge dans un climat d'une encore plus grande austérité, en faisant taire l'orchestre et en plaçant le soliste dans l'anxieuse solitude de ce paysage désolant. Dans une course encore plus effrénée, le dernier mouvement retrouve l'ironie et l'humour grinçant de l'allegretto, avec un violoncelle nettement plus remonté qui semble lutter contre les moqueries venant des autres instruments.

Le Second Concerto fut créé par le même Rostropovitch le 25 septembre 1966 cette fois-ci sous la direction de Yevgeni Svetlanov et l'Orchestre Symphonique de l'URSS. La réception de l'œuvre auprès du public a été beaucoup plus lente que pour l'autre, en raison peut-être de son atmosphère plus évasive et énigmatique. Bien que plus difficile à pénétrer, le Second Concerto mérite pourtant une égale place dans le répertoire. C'est une œuvre élégiaque, caractéristique peut-être du début du dernier style de Chostakovitch où se mêle humour bizarre, intimité, regret et nostalgie. Le premier mouvement est une sorte de lamentation patraque, désolée. Il s'ensuit un scherzo sardonique basé sur une chanson folklorique juive, avant que le dernier mouvement ne s'ouvre sur une étrange fanfare de cuivres et de percussions, et où défilent différents nuages d'ambiance. La musique sombre finalement dans un silence apaisant, le violoncelle ayant, avec un long ré grave soutenu, le dernier mot à dire.

On ne trouve rien à reprocher à cette très bonne et sincère interprétation des deux concertos de Chostakovitch par le violoncelliste , l'orchestre symphonique de la BBC et l'excellent chef . Brabbins est décidément en passe de devenir l'un des chefs les plus versatiles et les plus acclamés de la Grande Bretagne. On retrouve le timbre pur et feutré du violoncelle de Wallfisch dans la Sonate op. 40, accompagné du pianiste John York, proposé sur le second disque de cet album. Composée et créée en 1934, il faudra pourtant attendre 1997 avant que l'œuvre ne soit entendue hors des frontières russes ! Il s'agit d'une œuvre expressive et néo-romantique, d'un style très différent de la Troisième symphonie composée peu de temps avant.

D'une toute autre espèce est la Sonate pour piano et alto op. 147, la toute dernière composition de Chostakovitch, qu'on a l'occasion d'écouter ici dans une version arrangée pour le violoncelle. Après une vie pleine d'épreuves difficiles passée sous le régime soviétique où il a subi la critique et la sévérité de ses dirigeants, Chostakovitch a conservé au soir de sa vie un esprit plein de compréhension humaine, de confiance et de triste résignation. Mais sans doute vaut-il mieux laisser parler la musique pour éviter les distorsions littéraires concernant un tel chef-d'œuvre testamentaire…

Le disque se clôt par deux pièces assez brèves, un moderato datant de 1934 provenant du premier manuscrit de la Sonate op. 40, et un adagio extrait de la Suite de ballet n°2 qui date de 1951.

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