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Le bonheur est dans l’île avec Don Giovanni

Le festival « Lyrique en mer » est né du coup de foudre d'un baryton américain de classe internationale pour la plus grandes des îles bretonnes. Depuis sa première édition, la manifestation n'a cessé de se structurer et de croître sous la conduite de , directeur artistique, metteur en scène, maître de cérémonies, découvreur de talents et même prêt à remonter sur scène à l'occasion (Antonio des Noces l'été dernier).

Limitée à deux concerts en 1998, la programmation s'est régulièrement étoffée pour afficher en cet été 2006 cinq concerts, cinq exécutions de la Messe Nelson de Haydn dans les différentes églises de l'île, 4 représentations de Falstaff et six de Don Giovanni. Une réussite qui doit tout autant à la passion et à l'investissement des bénévoles qu'à l'appui de nombreux sponsors, convaincus par la démarche qualitative des organisateurs et leur flair avéré en matière de recherche de jeunes talents : au fil des ans, , , ou ont ainsi élu domicile estival à Belle-île.

La réussite d'un festival tient aussi à la magie d'un lieu. Embarquez donc à Quiberon par une belle journée ensoleillée, gonflez vos poumons d'air marin, goûtez le plaisir de l'entrée dans le port du Palais sous la silhouette hautaine de la forteresse dessinée par Vauban, offrez-vous quelques fruits de mer sur l'une des terrasses qui font face à l'océan puis gravissez le chemin d'accès à la citadelle. A l'entracte, dans une atmosphère conviviale et bienveillante, consommez quelques bulles avec modération et profitez de la vue en surplomb sur le port au soleil couchant. Dépaysement garanti ! Et qu'importe si la salle de l'Arsenal ne se prête pas naturellement à une représentation d'opéra : la convivialité qui règne en ce lieu, la douceur de l'atmosphère festivalière et la qualité musicale du spectacle vous dédommagent rapidement.

Et la musique ? Ce 4 août, on donne Don Giovanni dans une réduction pour treize jeunes instrumentistes, signée par , le directeur musical du festival. Passée une ouverture où les contrastes dynamiques s'estompent sous la légèreté de l'effectif orchestral, nous oublions notre gêne devant la maîtrise du rythme mozartien affichée par le chef. Cette option a de plus le mérite de laisser les chanteurs au premier plan et de ne pas surexposer leurs jeunes moyens. signe pour sa part une mise en espace intelligente, d'une parfaite lisibilité et s'appuyant sur une direction d'acteurs efficace.

Pour cette édition de la recherche de la nouvelle star lyrique, le choix du public s'est indiscutablement porté sur , jeune soprano turque au charme irrésistible. Nous imaginons volontiers que cette Zerlina, jolie comme un cœur et d'une rouerie scénique irrésistible, ne fera qu'une bouchée de son balourd de Masetto (, plus effacé). Le timbre est à la fois frais et fruité, la musicalité affirmée, et si l'approche technique reste à parfaire, nous sommes prêts à parier que nous ne tarderons pas à réentendre parler de cette belle artiste. Nous réserverons pourtant nos propres lauriers à la superbe Donna Elvira de , pour sa beauté racée, son abattage scénique qui lui permet d'apparaître au premier acte comme une véritable meneuse de jeu, mais aussi son exquise musicalité qui lui inspire des accents bouleversants dans un « Mi Tradi » de grande classe. La carnation du timbre, la pureté de l'émission et la maîtrise technique de la cantatrice contribuent à une prestation de haut niveau, à laquelle ne fait défaut qu'une certaine rondeur sur quelques notes aiguës. Qu'importe, le charme a pleinement opéré ! complète un très bon trio féminin avec une Donna Anna aux moyens opulents qui la destinent, lorsqu'elle en aura acquis le plein contrôle, à des rôles parmi les plus lourds du répertoire.

La distribution masculine est plus disparate : affiche la plus grande maîtrise scénique et incarne un viveur convaincant, élégant dans la sérénade et énergique dans « Fin ch'han dal vino », auquel ne manque qu'un peu de souplesse dans l'émission. , très bon acteur, campe un Leporello drôle et sympathique, mais pêche par une projection insuffisante. affiche d'imposants moyens dans le rôle du Commandeur, mais c'est qui séduit surtout, avec un timbre ordinaire mais une technique très accomplie et une parfaite maîtrise du style mozartien qui lui permettent de dessiner un Ottavio d'une rare élégance et totalement dépourvu de mièvrerie.

Au final, nous devons autant à la qualité musicale de la représentation qu'à l'attrait du lieu d'avoir passé une excellente soirée, de celles qui nous apportent un plaisir sans nuages. Et l'espace d'un « Mi Tradi » d'une frémissante sensibilité, nous avons même eu le sentiment que le temps s'était arrêté sur Belle-île, la si bien nommée. Vivement le festival 2007 !

Crédit photographique : © Lyrique en mer 2006

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