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Festival Berlioz 2006 Vol III : Un romantisme inégal

On peut dire que l'ensemble vocal Berlioz est « couleur locale ». Les sept musiciens qui le composent sont presque tous issus de la région ou en lien avec elle.

Du conservatoire de Grenoble aux ensembles amateurs de Lyon sans oublier l'orchestre de Saint Etienne, très lié au Festival, les voici tous unis dans la patrie de Berlioz pour traduire un peu de son lien avec le romantisme allemand. Sous le ciel étoilé de cette ravissante petite église de campagne, l'ensemble vocal Berlioz a pourtant été relativement inégal dans son interprétation de ces incontournables du romantisme que sont Beethoven et Schubert. Au-delà des qualités ponctuelles de chaque interprète et des limites qui sont aussi les leurs, c'est un réel défaut d'interprétation qui a terni ce qui était pourtant une magnifique invitation à l'évasion romantique. Une fois encore les limites de la juxtaposition éphémère de talents si grands soient-ils, sont ici criantes. L'intimité de cette petite église, l'exiguïté de son chœur auraient dû permettre un plus grand équilibre entre les parties et une autre disposition des musiciens. Au lieu de cela nous n'avons pu qu'assister, impuissants, au jeu indifférencié et juxtaposé de sept interprètes différents. Le violon, souvent limite dans sa justesse, dominait tous les autres musiciens, comme s'il cherchait à les réduire à de simples faire-valoirs. Les instruments d'un côté, les chanteurs de l'autre semblaient se livrer à une bataille en règle pour réussir à prendre le dessus, au détriment des voix, inaudibles en fond de salle. Fort de cela, Beethoven, maître d'équilibre, ne pouvait que subir les conséquences désastreuses du handicap. Les chansons écossaises furent rien moins que défigurées par des attaques approximatives que renforçaient de très nets décalages entre instruments et voix, ce qui est d'autant plus désolant qu'elles ont eu parfois de réels élans romantiques, tandis que de leur côté violoncelle et piano parvenaient à s'épouser à merveille. A l'inverse, les chanteurs poussant leurs voix à l'extrême se trouvaient au-delà de leur possibilité, forçant visiblement leur forte, peinant pour certains à monter dans l'aigu. Saluons le ténor, Eric Chorier pour sa voix claire et placée, mais, revers de la médaille, accentuant une diction très achée, brisant ainsi la ligne mélodique que Beethoven, avec les autres romantiques tentaient de remettre à l'honneur. C'est aussi ce même travers qui rendait inégal au piano, alternant entre un jeu extrêmement sec et lourd et de belles chaleurs de basses. D'une manière générale, Beethoven n'y est pas. Son équilibre génial de la mélodie et de l'harmonie, le déroulement quasi naturel de la partition émergeant mesure après mesure, par un jeu subtil d'enchaînements préfigurés parfois de façon presque subliminale, tout cela fut remplacé par une exécution mécanique aux accents mozartiens, dans laquelle les musiciens s'essoufflent à se courir après. Il faut cependant faire exception de l'avant dernière chanson plus emprunte d'une certaine vie que malheureusement l'omniprésence du violon venait dénaturer.

Schubert fut un peu mieux traité, avec des passages très enlevés, une véritable puissance donnant vie et expression, mais les reprises restaient difficiles et le manque d'unité s'imposa à nouveau, ce qui aurait valut au célèbre noturno dépourvu de sens et du moindre relief, de connaître une des plus plates interprétations à ce jour, s'il n'y avait eu pour rehausser l'une des plus célèbres œuvres de Schubert. Le thème relayé d'instrument en instrument s'enchaînait mal pour finalement s'écraser à chaque reprise, sans vie. Enfin c'est encore qui sauva l'interprétation de la nuit paisible de Berlioz par le charme de sa légèreté, alors que les chanteurs peinaient définitivement à atteindre les parties hautes. Au final, il fallait vraiment une véritable bienveillance pour parvenir à retrouver dans cet ensemble très inégal quelques vérités romantiques.

Crédit photographique : caricature de E. Carjat © Musée Carnavalet, Paris

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