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¡ Viva Pepita Jiménez !

Alors que le genre de l'opéra s'affirmait à travers les capitales européennes, l'Espagne du XIXeme siècle restait fidèle à son style musical fétiche : la zarzuela. Mais cette esthétique, si elle charmait le public de Barcelone et de Madrid, ne satisfaisait pas certains compositeurs qui avaient envie de forger un drame lyrique national.

Ce n'est que dans les années 1890 que l'on observa les premières tentatives de créer un drame lyrique ibérique. Felipe Pedrell, Tómas Bretón et Enrique Granados s'essayèrent avec un succès moyen à cet exercice. L'opéra Pepita Jiménez d'Albeniz peut être historiquement considéré comme la première tentative réussie dans ce domaine.

Illustre virtuose et auteur du magistral cycle Iberia pour piano solo, Albéniz expérimenta le genre lyrique (plus exactement l'opérette avec The Magical Opal) lors de ses années de résidences à Londres. Il se lia alors d'amitié avec Francis Burdett Money-Coutts, avocat, homme de lettres, animateur culturel, mais surtout héritier de la célèbre famille de banquiers Coutts. L'objet de l'entente entre les deux hommes fut autant artistique que financier : Albéniz était généreusement rétribué mais il devait composer des opéras sur des textes de son mécène. En 1893, les deux hommes portent à la scène Henry Clifford, un opéra romantique qui se déroule pendant la Guerre des Roses. La partition créée en italien au Liceu en 1895 n'obtient qu'un succès d'estime (un enregistrement Decca permet de se faire une idée sur cette œuvre assez décousue). Pour certains commentateurs, Albéniz aurait dû se consacrer à un sujet espagnol au lieu de s'égarer dans les brumes des îles britanniques. Peu de temps après le compositeur parvient à convaincre Coutts de transformer en livret le roman Pepita Jiménez de Juan Valera. L'histoire, fort simple, conte les amours d'un séminariste et d'une jeune veuve, la passion triomphant au final des contingences. Fort inspiré, l'homme de lettre adapta avec talent la prose alors qu'Albeniz écrivit une partition diablement réussie. Le compositeur parvient à unifier une musique inspirée du folklore avec un lyrisme simple et efficace et des innovations dramaturgiques. La première audition, au Liceu en 1896, se solda pourtant par un cruel échec public et critique. Devant cette déception, le compositeur remania à plusieurs reprises sa partition pour les théâtres de Prague et de Bruxelles, mais l'œuvre tomba dans l'oubli en dépit de différentes tentatives de remonter la partition. Cependant les réorchestrations se disputaient à la réécriture de l'histoire la palme de la trahison. Le chef d'orchestre José de Eusebio, suite à un travail en profondeur sur le manuscrit et les sources imprimées, propose ici, en première mondiale, une édition définitive et fidèle de la partition.

Magnifiquement orchestrée et dirigée avec musicalité, efficacité dramatique et finesse, par José de Eusebio, Pepita Jiménez séduit dès la première écoute. La distribution est d'un très haut niveau avec un Placido Domingo, une et une dignes d'éloges. Découverte de cet enregistrement, l'orchestre de Madrid, s'affirme comme une phalange homogène et puissante.

Une œuvre de premier plan, des musiciens exemplaires mais aussi un livret clair et documenté et une belle prise de son font de ce coffret l'un des piliers de l'année discographique en cours.

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