César Franck est le lien entre les Sonates pour piano et violon de Guillaume Lekeu, génie en herbe emporté à 24 ans par la typhoïde, et de Gabriel Pierné, véritable institution musicale qui assura la direction de l'Orchestre Colonne de 1910 à 1934, avec la création d'œuvres telle que l'Oiseau de feu de Stravinsky, Iberia de Debussy ou le Carnaval des animaux de Saint-Saëns. Tous deux étaient en effet élèves de Franck, et chacun à sa manière assura une succession à la Sonate que leur maître avait composée en 1866.
A 22 ans, Lekeu cherche à exprimer la « mélancolie passionnée », et il y parvient avec une maîtrise qui impressionne instantanément. Pierné écrit sa Sonate à 37 ans – il avait obtenu le Prix de Rome dès ses 19 ans. Il n'y a pas autant de sentiment chez Pierné, mais une fluidité, des atmosphères en demi-teintes très françaises, une maturité qui séduit moins immédiatement mais aussi sûrement.
Laurent Cabasso et Marianne Piketty confinent à l'atonie dans les délicats mouvements lents : « Très lent » dans la Sonate de Lekeu ne veut pas dire immobile, et « avec un sentiment calme et rêveur » dans la Sonate de Pierné ne veut pas dire qu'il faille s'assoupir. Ils sont heureusement plus convaincants dans les beaux mouvements virtuoses.