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La Casa del diavolo

L'OPL invite et

est une sorte de joker de luxe de la direction d'orchestre, toujours prêt à remplacer un confrère empêché. Nous l'avions personnellement découvert il y a deux ans, lors d'une double intégrale des symphonies de Brahms et des concertos pour piano de Beethoven pour laquelle Mikko Franck avait dû déclarer forfait après le premier concert. Aadland avait repris l'Orchestre National de Belgique au pied levé, et avait notamment dirigé de très vivantes symphonies n°1 et 2 de Brahms. Il y a quelques jours, il a séduit notre confrère Laurent Marty à la tête de l'Orchestre du Capitole en remplacement de Jaap Van Zweden, et nous le retrouvons cette fois à Liège, pour un concert qu'aurait normalement dû diriger Thomas Fey. Le programme est constitué d'œuvres de la période classique, qui forment un ensemble homogène et bien pensé.

En premier lieu, la Symphonie « La Casa del diavolo » de Boccherini, musique âpre, qui ne cherche pas la séduction ou le confort de l'auditeur, aux climats expressifs tourmentés. Le mouvement final, introduit par un Adagio identique à celui du premier mouvement, donne son surnom à l'œuvre, il s'agit d'un développement de la célèbre Danse des Furies, extraite du ballet Don Juan de Gluck. A la tête d'un orchestre aux cordes fournies, en donne une lecture bien enlevée, au style vif et acéré, privilégiant la clarté et la finesse du trait. Les pupitres des cordes sont bien différenciés, et se distinguent par leur engagement et la franchise de leurs attaques.

Venu en voisin, (il vit à Cologne, à une heure de route de Liège), fait ensuite son apparition pour le Concerto n°11 de Haydn. Contrairement à son habitude, lui le claveciniste et pianofortiste si réputé, joue ce concerto sur un piano de concert traditionnel. Est-ce dû au changement d'instrument ? En tout cas, livre une prestation distante et sans entrain, propre et nette, mais manquant cruellement d'élan et d'enthousiasme. Il est de plus parfois couvert par un orchestre un peu trop bruyant, mais ne semble guère s'en soucier, le nez dans la partition. L'accompagnement du chef est compétent mais assez prosaïque : orchestre et soliste jouent sans se préoccuper l'un de l'autre, sans s'inspirer, ni « concerter ».

Chef peu à son aise dans le répertoire concertant, Aadland est heureusement bien plus inspiré quand il peut se consacrer entièrement à l'orchestre. Il donne une Symphonie n°2 de Beethoven tonique et pugnace, à l'enthousiasme communicatif. La précision de sa direction, physique et engagée, est redoutable, et on sent chez ce chef un véritable plaisir à inspirer son orchestre, à indiquer les départs aux solistes, à faire varier les phrasés. Tant d'ardeur fait plaisir à voir, mais encore faut-il pouvoir canaliser son tempérament, et c'est là que le bât blesse parfois. Ainsi, l'allure est parfois un peu trop raide et martiale dans les mouvements extrêmes, et la coda du premier est assez tonitruante. Néanmoins, la verdeur de l'Allegro con brio, la variété et la souplesse des phrasés du Larghetto, subtilement éclairé par les clarinettes, et la vigueur coruscante du Scherzo rendent cette interprétation des plus convaincantes.

Les musiciens de l'OPL ont toutes les raisons d'être fiers de leur prestation de ce soir : chaque pupitre s'est montré très en verve, et l'ensemble étonne une fois de plus par sa maîtrise du répertoire classique.

Crédit photographique : STAIER, Andreas © Harmonia Mundi France / Alvaro Yanez

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