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Dynamitskaja !

Il y a bientôt un an, avait dû déclarer forfait en dernière minute pour le Concerto de Brahms avec le , et avait été remplacée par Yozuko Horigome. Elle devait donc une revanche au public du SOV, auquel elle offrait en cette fin de novembre le concerto de Sibelius. Cette violoniste est un drôle de phénomène, qui arrive sur scène pieds nus, vêtue d'une robe aux couleurs psychédéliques, et qui déploie durant le concert une énergie farouche, proche de la transe par moments. C'est un spectacle à voir autant qu'à entendre : elle bondit, se cabre, va se pencher vers les premiers rangs de l'orchestre, et finit même par danser dans le Finale. Musicalement, le résultat est très contrasté. Elle met de la rage et de la fougue dans un premier mouvement hyper expressif, qu'elle dynamite par ses phrasés musclés et l'électricité qu'elle met dans chaque note. C'est un peu brutal, pas très chantant, mais terriblement efficace, et la salle en reste tétanisée. Après cette première partie assez « brute de fonderie », l'Adagio di molto surprend par sa sobriété et son vibrant lyrisme. C'est le mouvement dans lequel l'interprétation de est la plus proche des canons « habituels », et elle s'y montre très convaincante, y dévoilant de véritables qualités de musicienne. Le Finale est par contre très problématique : la violoniste en fait trop, arrache tout sur son passage, mais rien ne repousse ! Elle joue bien trop vite, met l'orchestre en difficulté, et perd de vue la justesse. On est ici dans le domaine de la performance, très spectaculaire, mais plus tout à fait dans celui de la musique. Dommage, car cette violoniste a incontestablement beaucoup de talent, de personnalité et de panache. Il lui reste à apprendre à canaliser un peu mieux son fougueux tempérament.

Avant ce concerto, les cordes du SOV avaient l'occasion de se mettre en valeur, en jouant la Musique funèbre, que composa Lutoslawski en hommage à Bela Bartok. Siebens et ses musiciens en proposent une interprétation efficace et rigoureuse, aux arêtes saillantes, et à la puissance brute très impressionnante.

En seconde partie, on retrouve le SOV dans son exercice favori, la relecture d'un chef d'œuvre symphonique du XIXe siècle selon des principes radicaux d'interprétation : jeu sans vibrato, clarté de la mise en place, rééquilibrage de la masse orchestrale en faveur des bois et des cors, phrasés courts et abrupts, et refus général du pathos qu'on associe souvent à la musique romantique. Le résultat est comme d'habitude très intéressant et novateur, nous en avons déjà décrit les caractéristiques vivifiantes dans le Concerto pour violon de Brahms, ou dans sa Symphonie n°1, dans la Symphonie n°7, ou dans la Pastorale de Beethoven, tout en regrettant une réalisation parfois brouillonne. Dans la Symphonie n°3 de Brahms de ce soir cependant, aucune réserve, mais un sentiment de plénitude à l'écoute d'une interprétation totalement maîtrisée et conquérante, à la mise en place parfaite. Le pugnace premier mouvement évolue ainsi en pleine clarté, alors que l'Andante est d'une urgence prenante, et que le Poco allegretto est joué aux cordes avec un vibrato serré, qui prend ici tout son sens. Le Finale est sombre et contrasté, tendu et violent, mais en même temps léger et cursif, et vient clore une magnifique prestation, dont ou pourrait dire qu'elle « débouche les oreilles ».

Crédit photographique : © Priska Ketterer

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