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L’intégrale des quatuors de Schubert par les Mandelring Vol III

Poursuivant son intégrale après deux premiers volumes consacrés à La jeune fille et la Mort et au quatuor Rosamunde, le aborde en pièce de résistance de ce volume III, l'ultime chef d'œuvre du cycle, le n°15 en sol majeur.

Ce « grand » quatuor de plus de 50 minutes a été composé par Schubert en dix petites journées, du 20 au 30 juin 1826. En quatre mouvements, dont l'Allegro molto moderato initial atteint (avec la reprise) les 20 minutes, suivi d'un Andante un poco mosso, d'un Scherzo et son traditionnel Trio et enfin d'un Allegro assai, cette pièce majeure fait immanquablement penser à une symphonie dont elle a les proportions et le découpage. Et à l'écoute, c'est évidemment à Bruckner que l'on pense, l'usage de puissants trémolos à tous les registres, de fréquents pizzicati, d'une dynamique « orchestrale » du ppp au fff, d'une façon de jouer de l'harmonie et du contrepoint, tout ici annonce Bruckner. Les options interprétatives sont donc multiples : rester classique, très « musique de chambre », jouer la carte symphonique, accentuer ou pas le caractère prémonitoire de l'œuvre …

Le a choisi « sagement » une option « conservatrice », plutôt musique de chambre, privilégiant la clarté de l'articulation plutôt que l'ampleur et l'intensité annonçant Bruckner, mais remarquablement bien défendue. Seuls légers défauts instrumentaux : une sonorité de violon qui aurait gagnée à être plus lumineuse, et un violoncelle un peu trop en retrait, retirant un peu d'ampleur et de puissance à l'exécution. Le premier mouvement très réussi dans une optique « classique » a tout l'allant et la dynamique requis pour capturer l'auditeur pendant 21 minutes. L'Andante qui trouvera ailleurs des interprétations plus contrastées et par endroit « inquiétantes », est pris assez lentement, très droit, avec simplicité et retenue. Cette légère retenue dans l'engagement expressif comme dans le tempo, se retrouve logiquement dans les deux derniers mouvements. Si elle est moins propice à l'expression tourmentée de certains passages (Scherzo), ou à l'emportement halluciné du final qu'on ne trouvera pas ici, elle permet aux passages mélodiques de s'exprimer avec naturel et aux instrumentistes de ne pas forcer leur niveau de virtuosité. Parfois à regrets, par exemple, le fff culminant dans la dernière partie du final, au terme d'un long crescendo de 21 mesures, aurait idéalement dû être plus intense, ici les instrumentistes n'ont pu pousser l'intensité jusqu'au crucial fff, petit détail …

Le disque est complété par le Quatuor n°9 D 173, en sol mineur cette fois, datant de 1815, regroupant ainsi les deux quatuors en sol sur le même disque. De caractère nettement plus léger et moins moderniste pour l'époque (il récupère le classique menuet à la place du scherzo beethovénien et n'annonce pas vraiment l'avenir brucknérien), il est toujours en quatre mouvements mais plus court de moitié. Peut-être moins intimidé par le D 173 que par le grand D 887, le se lâche un peu avec des tempi très enlevés qui, dans l'ensemble, fonctionnent bien. Un poil trop rapide pour l'articulation des passages contrapuntiques de l'Allegro con brio initial au profit justement du brio et pour le Menuet qui perd son caractère dansant de ländler au profit d'un jeu vif et aérien, le tempo est impeccable ailleurs, en particulier dans un final réjouissant.

Dans l'ensemble un fort beau disque qui sera le bienvenu dans les linéaires des disquaires, chez qui les quatuors de Schubert ne se bousculent pas trop (il semble bien qu'il n'y ait plus qu'une seule intégrale encore disponible, celle du « vieux » Wiener Konzerthaus).

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