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Triste Veuve à Berne

Insolite parti pris que celui du metteur en scène hollandais . Alors que ce livret exhorte à la légèreté de la comédie, au pétillant du champagne, à la folle gaieté d'une aventure parisienne, nous convie à une réflexion scénique dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'incite pas à la franche rigolade.

Décidant de s'inspirer du climat de la banqueroute annoncée de la patrie du baron Zeta, il plombe le récit avec cette atmosphère chargée de grisaille. De la comédie attendue, il nous sert un spectacle de drame. Malheureusement, la légèreté et le comique de l'intrigue et des dialogues sont en total désaccord avec l'idée théâtrale de Joosten. Ce décalage influe sur le jeu des personnages au point de les placer dans une histoire étrangère à la réalité du décor, un divan tournant autour d'un îlot d'arbres décharnés. De comiques, les acteurs deviennent pathétiques, complètement en marge du monde dans lequel le metteur en scène a voulu les faire évoluer. Si l'idée d'amener les chanteurs sur le devant de la scène depuis ce carrousel est plaisante, la triste forêt crée une ambiance déprimante qui semble envahir le jeu des protagonistes. Jusqu'au chant même. Finalement, à force d'insister lourdement sur l'atmosphère de fin de règne du Pontevedro, peine à sortir son récit de la noirceur dans laquelle il l'a plongé.

La direction d'acteurs est pourtant excellente. Elle révèle le talent du factotum du baron Njegus (Stefan Suske), espèce de Stan Laurel dont les interventions à contretemps sont d'un bel effet comique. est un baron Zeta d'envergure. Ne cédant jamais à la facile caricature de son personnage, la voix assurée, la diction claire, il confirme l'excellente impression qu'il laisse à chacun de ses passages dans les productions bernoises. La soprano (Valencienne) affirme une aisance théâtrale certaine même si on eut voulu un peu plus de puissance dans la voix. Il est vrai qu'avec le manque de carrure vocale du courtisan (Camille de Rossillon), la soprano allemande tend à contrôler son talent pour ne pas nuire à l'équilibre vocal de leur couple. Dans le rôle-titre, la soprano autrichienne (Hanna Glawari) ne soulève pas l'enthousiasme. C'est une honnête cantatrice. Sans plus. Toutes les notes sont là, chantées correctement, mais, sa présence scénique sans brillant laisse le spectateur sur sa faim. Dommage qu'elle ne sorte pas de ses gonds parce que pour lui donner la réplique, le baryton (Prince Danilo) ne ménage pas ses effets. Avec une aisance du geste, ce bel acteur offre son charme de danseur à un personnage de dandy magnifique. Une belle prestance scénique lui permettant de cacher avec habileté ses quelques limites techniques dans le registre aigu.

Pour redonner un peu de gaieté au spectacle, on attend avec une certaine impatience le cancan final. Las, en lieu et place, un groupe de drag-queen envahit le plateau pour un dandinement provocateur et dérangeant. Dommage. Si jusque-là on pouvait difficilement accepter le parti pris scénique de Guy Joosten, cette ultime faute de goût détruit le peu de rêve que le spectateur s'efforçait de trouver dans cette production à oublier.

Crédits photographiques : © Philipp Zinniker

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