- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Lady Macbeth par Eva-Maria Westbroek, attention danger !

Le label Opus Arte édite l'un des évènements majeurs de la précédente saison musicale : la production amstellodamoise de Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch.

L'évènement était d'importance, car outre une distribution rêvée et une mise en scène d'une des stars actuelles de la scénographie, ce spectacle voyait là une des très rares descentes dans la fosse de à la tête de son orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam. Grand connaisseur de l'œuvre de Chostakovitch dont il a gravé une intégrale symphonique assez inégale, le chef d'orchestre livre ici une prestation d'anthologie. Cette partition redoutable par ses enchaînements de danses et d'explosions orchestrales est ici magnifiée par l'un des plus grands orchestres du monde. Jansons dirige de manière assez linéaire mais il sait rendre justice à l'esprit de la partition acide et radicale.

est un metteur en scène particulièrement prolifique en matière d'opéra, qui alterne souvent le meilleur (Otello à Stuttgart) avec le pire (Don Giovanni à Salzburg). Fort heureusement, son travail sur l'œuvre de Chostakovitch est un modèle et le scénographe autrichien signe indéniablement son plus grand spectacle. Expurgeant tout aspect pittoresque ou local de la partition, il instaure un climat particulièrement glauque et violent où tensions et passions sont exacerbées. La pression sociale, l'hypocrisie des comportements apparaissent ici sous leur véritable jour. La prestation des chanteurs est d'autant plus magistrale qu'ils atteignent ici un engagement scénique hors norme. La solitude affective et sociale de l'héroïne est renforcée par la cage dorée nue des deux premiers actes où elle règne sur la seule activité divertissante qu'on lui tolère face à un beau-père brutal et un mari falot : son imposante collection de chaussures. L'acte III avec son arrivée souterraine de la section des policiers s'avère tout aussi réussi mais le sommet de cette production réside dans la représentation du camp de travail du dernier acte. Dans un souterrain, les condamnés errent dans une sorte d'enfer affectif sans rédemption possible. Les scènes de groupes sont saisissantes, et elles ne sont pas sans évoquer la violence expressive des corps de Lucian Freud ou Francis Bacon.

La distribution atteint des sommets. Pour son premier grand rôle sur la scène de son pays natal, la soprano ne fait qu'une bouchée du rôle : timbre charnel, aigus facile et engagement total composent une prestation d'anthologie. Habitué du rôle de Sergueï qu'il chante sur les plus grandes scènes du monde, lui donne la parfaite réplique. et son timbre caverneux et cuivré convient idéalement au rôle du beau-père, cruel et bestial à souhait. Le reste de la très nombreuse distribution qui alterne chanteurs russophones et espoirs néerlandais est de la même veine. Souvent inégal et peu précis, le Chœur de l'Opéra néerlandais est ici sublime d'homogénéité et de couleurs. Sa prestation au dernier acte, surtout dans les dernières minutes de l'œuvre glace le sang.

Ce haut niveau artistique et musical est complété par une réalisation technique tout aussi parfaite. L'opéra est idéalement filmé et l'image est somptueuse. Le lecteur l'aura compris au fil des lignes de cet article, ce coffret bien présenté, est une merveille !

(Visited 680 times, 1 visits today)