- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Un hommage à Luigi Nono

Cycle Venise à la Cité de la Musique

Grâce à une programmation intéressante et malgré une présentation un rien prétentieuse – comme trop souvent en musique contemporaine, ce qui a toujours tendance à faire fuir le spectateur même le plus acharné – ce concert du cycle Venise de la Cité de la musique fut une réussite. Avec Con , nous propose une sorte d'hommage à la manière des compositeurs de la renaissance où, sans jamais tomber dans l'imitation, l'auteur reprend un motif mélodique étranger pour l'insérer de manière différente dans la texture polyphonique ou pour proposer d'autres jeux contrapuntiques. Ici le motif (fa-mi-do#), extrait de Il Prigioniero de Dallapiccola l'un des premiers sérialistes italiens, est nommé dans la dédicace. Néanmoins, celui-ci est quasiment imperceptible à l'oreille dans Con , et même si son rôle structurant est indéniable sur la partition, Nono nous dérobe ce repère auditif par des jeux de timbres subtils, un temps déstructuré, qui nous met dans une situation d'écoute et de surprise perpétuelle.

Chez Wolgang Rihm, même si le principe de l'hommage est repris, l'idée et la philosophie de l'œuvre paraissent complètement différentes. Construite sur les notes sib-la-do-si (B-A-C-H) et le sol, cette dernière représentant Nono lui-même grâce à son importance essentielle dans l'œuvre du maître, le compositeur construit un jeu de piste appuyé pour auditeur calé en dictée musicale. Une fois la distance prise avec ces éléments anecdotiques, Rihm semble construire une matière musicale perpétuellement en mouvement, extrêmement bien rendu par l', mais qui convainc assez peu.

Enfin, le concert finit en apothéose avec Guai ai gelidi mostri, une œuvre aussi forte qu'impressionnante de dont l'ambiance funèbre et sinistre continue de vous hanter bien après la fin du concert. Cette œuvre, qui annonce Prometeo composé un an plus tard, se construit sur quatre poèmes de Massimo Cacciari portés fragmentairement par deux contraltos. Dans ceux-ci, Cacciari puise dans un vaste répertoire s'étendant de Lucrèce à Rilke en passant par Pound et développe la représentation de « l'Etre-Etat » (essere-stato) monstrueux, froid et hanté par la mort.

On peut regretter l'interprétation de la classe de percussion du CNSM, qui a peut-être souffert d'un manque de maturité et d'un réel engagement dans Con . Il faut néanmoins noter la maîtrise exceptionnelle et la musicalité époustouflante de qui prend toute son ampleur dans l'imposante Guai ai gelidi mostri. Bien sur, ce dernier doit beaucoup à l'excellent , toujours fidèle à sa réputation, dont la connaissance approfondie du répertoire contemporain, son unité prodigieuse, fait de cet orchestre un partenaire précieux.

Crédit photographique : © Priska Ketterer

(Visited 136 times, 1 visits today)