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Dennis Russell Davies dirige la Symphonie n°1 d’Anton Bruckner

Apparemment sur le chemin d'une intégrale des symphonies d', le chef américain propose aujourd'hui les trois premières symphonies, les Symphonies n°4 et n°8 étant déjà disponibles. C'est toujours l' qui l'accompagne.

La parution qui nous occupe ici est la Symphonie n°1 dans sa version primitive datant de 1866 dite de « Linz », ville où elle a été créée le 9 mai 1868 sous la direction du compositeur. Une seconde version, dite de « Vienne » correspond à la révision de 1890-1891, mais elle est plus rarement enregistrée, la majeure partie des intégrales étant basée, à juste raison, sur cette version « Linz ».

Brahms a terminé sa propre première symphonie en 1876, Mahler finira la sienne en 1888, Bruckner est donc le premier des grands symphonistes post beethoveniens (on ne compte pas Schubert qui n'a survécu à Beethoven qu'un an) à commencer son cycle. Il le fait avec plus d'audaces et d'imagination que Brahms, qui se cherche encore, et que Mahler, qui fera bien mieux ensuite. Ainsi nous avons peut être là la plus grande première symphonie de toute l'histoire, sûrement la plus importante dans l'évolution de la symphonie depuis la première de Beethoven déjà révolutionnaire, même si tout a explosé ensuite avec l'Eroïca. Bruckner la surnommera plus tard « Das kecke Beserl », selon les traductions « la petite effrontée » ou « la petite dévergondée ». On y trouve en effet plus de vitalité, de vivacité, d'élan que dans les symphonies suivantes, plus posées, plus profondes, plus grandioses, plus impressionnantes. Le style y est donc légèrement différent et les interprètes doivent en tenir compte pour lui rendre totalement justice.

Dennis Russel Davies a bien compris qu'il fallait donner à son interprétation un caractère différent des grandes symphonies suivantes : il choisit avec raison un tempo en général rapide et un phrasé incisif. Toutefois on le sent plus concerné par l'exposé des thèmes principaux de chaque mouvement, en général bien phrasés, que par les passages de transition qu'il ne réussit pas à faire vivre. Cela s'entend dès le premier mouvement, les trois thèmes, lors de l'exposé comme dans le développement, fonctionnent bien, mais dès qu'arrive une transition la tension et donc l'attention tombent complètement. On remarque que l'orchestre lui aussi a ses limites : perte de clarté et de ligne sur les grands tutti (les cordes souffrent un peu), et les trompettes n'arrivent pas à jouer la terrible coda d'un seul souffle. L'Adagio est phrasé d'une façon un peu décousue, la simple introduction de ce mouvement ne s'écoulant pas en un seul souffle, une seule ligne. Etait-ce l'intention du chef (bien curieuse alors) ou l'orchestre qui n'y est pas arrivé ? Le résultat est que l'ambiance, le climat de cet Adagio n'est pas idéal et l'émotion passe assez peu – écouter les très froids cinq derniers accords pp. Le Scherzo est très rapide, ce qui va très bien aux mesures d'introduction tourbillonnantes, moins bien aux passages mélodiques. A cette vitesse, le caractère ironique du mouvement disparaît totalement, c'est une pure récréation sonore. Ainsi joué, c'est sans doute une belle démonstration pour un concert (c'est un enregistrement live, ne l'oublions pas), il n'est pas sûr que l'écoute répétée du disque n'en montre assez vite la limite. Quant au final, c'est un passage terrible à jouer, un vrai morceau de bravoure, avec une tension à entretenir tout du long, une progression à maintenir, exigeant une puissance et une virtuosité de tout l'orchestre du plus haut niveau. On l'a compris, ce n'est pas exactement ce qu'il faut attendre des interprètes du jour, ils font ce qu'ils peuvent, malheureusement pour eux, comme pour tous les autres interprètes qui se sont frottés à cette œuvre, il existe un enregistrement qui laisse pantois, et qui, particulièrement dans ce mouvement, renvoie tous les autres à leurs études : en 1965 l'Orchestre Philharmonique de Berlin enregistrait cette œuvre sous la direction d'Eugen Jochum dans une version phénoménale, jamais égalée ni approchée depuis. La version d'aujourd'hui en reste assez loin.

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