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Mitropoulos dirige la Force du destin, peu avant sa disparition

« Quelques semaines avant de mourir subitement, le volcanique chef grec enflamme avec une précision fanatique ce drame mêlant amour, meurtre et coups du sort. Un monument de chant italien rehaussé par une superbe maîtrise orchestrale. »

C'est au dos du coffret que l'on peut lire cette phrase dithyrambique, autopromotion méritée d'un enregistrement exceptionnel. Les enregistrements live d'opéra ont à la fois l'avantage de rendre une interprétation vivante, et de frustrer l'auditeur par l'absence d'image. Première des six représentations de cette production de La Forza del destino, elle montre un chef à la direction incisive et énergique, et une distribution dans une forme étonnante.

La tenue dramatique est irréprochable : Mitropoulos ne donne la sinfonia orchestrale qu'à la fin du premier acte, qui sonne alors comme un introduction obombrée, et qui sous-tend l'inexorable fatalité de l'action. Alors connu du public viennois (il avait été le partenaire de Maria Callas dans Lucia di Lammermoor en 1956), excelle en terme de déclamation et de rondeur vocale, trouvant en , l'un des chanteurs préférés de Karajan, un adversaire à la hauteur de ses capacités. Ni l'un ni l'autre ne font montre du moindre signe de fatigue et soutiennent la tension jusqu'au final. « La vita è inferno all'infelice » et « Morir ! Tremenda cosa ! » justifient l'acquisition de cet enregistrement. Une même générosité soutient les performances d'Antonietta Stella, qui fait du deuxième acte un sommet incontournable du chant italien. Tout y est : précision de la justesse, variété des nuances et des dynamiques, maîtrise du timbre et art du bel canto. Guiletta Simionato tient le rôle de Preziosilla, le plus léger de l'opéra, mais qui au sein d'une telle production acquiert une dimension ironique. Enflammée dans le fameux « Alsuon del tamburo », elle donne une importance peu commune à ce rôle, grâce à un charisme qui a fait d'elle une des coqueluches du public viennois. Des seconds rôles approximatifs auraient pu ternir les performances des rôles titres : à l'exception de Franz Bierbach, dont les aigus sont terriblement forcés (« E s'altra prova rinvenir potessi ? » du troisième acte), Harald Pröglhöf, Ludwig Welter ou encore Walter Kreppel ne font pas pâle figure face à leurs partenaires.

Une production doit avant tout sa réussite au jeu des chanteurs qu'elle met en scène. On devine par le biais du présent enregistrement ce qui a fait l'indéniable succès de cette soirée : la déclamation, le théâtre, sans qui l'interprétation musicale aurait été moins convaincante. Car la musique ici suscite l'imagination : tout redevient visible.

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