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Orchestre de la Suisse Romande – Eliahu Inbal : Mozart KO, Mahler OK

Quel orchestre jouait le Concerto pour piano et orchestre n° 22 de Mozart ? Le même qui, une semaine auparavant, se perdait dans une bruyante Symphonie Fantastique de Berlioz ? Les premières mesures semblent en donner la confirmation. Un Mozart écrasé, imprécis, terne. En véritable bulldozer, l' met Mozart au tapis. KO ! Sa rencontre avec le frêle piano d' et son alignement de jolies notes ne parvient pas à captiver. Peut-être qu'avec un effectif plus réduit, les équilibres auraient apporté la légèreté requise à la musique du maître de Salzbourg.

Allait-on donc s'acheminer vers une soirée où la Symphonie n°4 de retrouverait un orchestre aussi désordonné et bruyant que celui rencontré une semaine auparavant ? Tout le laissait à craindre. C'était sans compter sur l'exceptionnelle musicalité d'Eliahu Inbal et sur sa maîtrise du répertoire mahlérien. Dès les premiers accents de la symphonie, on reste stupéfait par la soudaine transformation orchestrale de l'ensemble romand. Nuances, soin du son, équilibre, tout est en place. Le chef, fidèle à lui-même, s'efface derrière l'œuvre. Il en renvoie le texte mahlérien à travers les gestes qu'il imprime aux pupitres, semblant ne donner que de petites indications quant aux volumes sonores, aux phrasés, aux véritables intentions du compositeur. Artisan de cette musique qu'il possède, il peint l'œuvre avec des couleurs printanières empreintes de douceurs, de légères fraîcheurs, de parfums subtils. Alors qu' continue de donner ses indications avec une admirable sérénité et une évidente joie de recevoir toute la mélodie en retour, alors même que sa présence fascine, on ne l'imagine plus être le constructeur de ce miracle musical. Il n'est plus là. L'orchestre même a disparu. Seule la Musique s'élève. Pour l', tout paraît évident, simple. Chaque musicien se prend à écouter l'autre, à le découvrir, à l'apprécier, à s'engloutir avec lui dans la musique, au plaisir de s'entendre, d'émettre les plus beaux sons. Rarement on l'a vu aussi inspiré. Dans le superbe Ruhevoll, les contrebasses et les violoncelles portés par la beauté de cet adagio impriment une ambiance de plénitude à tout l'orchestre. L'ultime mouvement réserve la part belle à la soprano qui chante l'incantation à La vie Céleste (Das himmlische Leben) en laissant ses admirables sons filés s'épanouir dans les ultimes vers de chaque strophe. Souffrant d'un grave un peu défaillant, elle ne parvient toutefois pas à satisfaire totalement à la partition. Aux derniers accents de la symphonie, le silence appartient encore à l'émotion d'un moment musical d'exception dont s'est fait le parfait architecte.

Pourquoi fallait-il subir un Mozart illogique de la part d'un chef dont la réputation mahlérienne n'est plus à faire ? Mystère des programmations !

Crédit photographique : © Jirka Jansch

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