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Kent Nagano et le DSO à l’unisson dans Brahms et Schoenberg

Au cours de ses six années passées à la tête du DSO Berlin, a su proposer des programmations en harmonie avec l'identité culturelle de Berlin, ville cosmopolite, soumise à des influences très variées. Entre tradition du grand répertoire allemand, œuvres majeures contemporaines, souvent moins connues du grand public, et créations.

Le nouvel enregistrement paru chez Harmonia Mundi s'inscrit donc dans cette continuité avec une cohérence de premier plan. Quarante ans séparent la Symphonie n°4 de Brahms et les Variations pour orchestre de Schœnberg. S'il est difficile de les rapprocher du point de vue sonore, il existe bien une même rigueur structurelle avec une affiliation à la musique de Bach.

Il ne s'agit pas d'une énième version de la dernière symphonie de Brahms mais bien d'une conception merveilleuse qui rejoint le cercle fermé des « monstres sacrés » aux côtés des Kleiber, Karajan ou autre Haïtink. La beauté instrumentale d'ensemble y est sidérante tout comme cette transparence qui parcourt les différents pupitres, à fleur de peau, entre sérénité épidermique et puissance frémissante. Une maîtrise de la grande ligne qui allie intensité et fluidité révélant une architecture aérée et parfaitement structurée. Traversé par un souffle poétique, l'Allegro non troppo est tout simplement grandiose et riche en clair-obscur. L'Andante moderato débute, quant à lui, sur un ton confidentiel pour s'affirmer de façon rafraîchissante à travers un lyrisme vibrant. Tempo nerveux et verve constante dans le mouvement suivant parsemé d'héroïsme. De quoi annoncer le final et sa chaconne, fiévreux, empreint d'une gravité non résignée. La justesse de tempo permet une progression vers le climax final sans aucune surenchère expressive. Une avancée vers la lumière moins rapide par exemple que chez Kleiber mais servie par des tutti incisifs et des soli instrumentaux qui dialoguent à merveille – flûte lunaire et évanescente, cuivres solaires.

C'est avec une fluidité identique et une précision analytique que le chef aborde l'univers complexe de Schœnberg avec des variations incisives et percutantes. L'orchestre nous permet même de dépasser ce côté hermétique et opaque par son engagement total. Du fait d'un enchevêtrement des lignes mélodiques, une simple impression globale reste trop abstraite et intellectuelle, alors que s'attarder sur tous les détails de la partition donne ici un tout autre sens. Captivant de bout en bout, le final est d'une force tellurique aspirante avec quarante changements de tempo en moins de sept minutes.

Il est rare de capter au disque cette immédiateté proche de ce qu'on entend au concert. Nul doute que la direction artistique de Martin Sauer – à qui on doit de nombreuses références chez Warner et Teldec – n'est pas étrangère à ce succès d'équipe.

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