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La Norma scandaleuse d’Amsterdam

Pauvre Bellini, pauvre  ! Mais comment est-il possible qu'une telle mise en scène, insulte à l'art délicat de , ait eu les honneurs d'une sortie en DVD ?

On sait que les cantatrices capables de tenir le rôle meurtrier de Norma sont rarissimes. est actuellement l'une des seules titulaires du rôle invitée dans le monde entier. C'est donc sur son nom que ce DVD se vendra. Dans cette production, elle est la seule à résister. Ses partenaires sont engloutis, détruits et ne retiennent pas l'attention. La direction d'orchestre est dynamique, parfois brutale, toujours théâtrale. Mais honnêtement l'image gâche tant ce qu'on entend qu'il faudrait une écoute aveugle pour lui rendre justice.

La Norma de est considérable. La voix est ample, puissante, capable de belles nuances. La cantatrice est attentive au style. L'actrice est habile, la femme est belle. Les intervalles meurtriers sont bien négociés et les vocalises correctement réalisées. Dramatiquement elle maîtrise le rôle. Pourtant ceux qui l'ont vue en 1998 à Orange dans l'une de ses premières Norma ou plus tard dans d'autres productions de part le monde pourront mieux témoigner que les spectateurs d'Amsterdam.

Ce qu'il y a de scandaleux à diffuser cette production prétentieuse et vide c'est, qu'à de nombreux moments, elle est totalement anti-musicale. L'idée de superposer une représentation d'un opéra sur scène et une « scène de ménage » entre un ténor volage et grotesque, une soprano présentée en diva prétentieuse et une mezzo intrigante et mesquine n'a rien de génial ni ne nouveau, rien qui dérange vraiment. Mais ce qui est pervers, c'est de laisser les chanteurs en costumes d'opéra se démener pendant les moments musicaux clés avec des gestes conventionnels face au public. On commence à s'y habituer en se concentrant sur le chant, puis un détail trivial vient gâcher le peu de poésie musicale qui naissait péniblement. Norma est un opéra qui fonctionne dramatiquement. De nombreux moments mêlent efficacement chant et théâtre. La souplesse des récitatifs et la beauté des mélodies font oublier les conventions et les faiblesses. Comment est-il possible de détruire tout ceci à ce point ?

Les moments avec décors, costumes et mise en scène « classique » montrent les limites du metteur en scène : tout y est digne des années cinquante (au pire sens du terme). Il ne manque ni casques à cornes, ni boucliers cabossés, ni costumes cloutés, ni peau de bêtes, ni coiffures gauloises de tresses et queue-de-cheval…Pas un voilage disgracieux sur la tête, pas une couronne de feuilles, nous avons des cuirasses dorées pour les romains ! Et il ne se passe rien, mais rien…Ah ! si : la caméra détaille complaisamment toutes ces » beautés » !

Le ténor est grand et fort, il lui est demandé d'être pataud, Flavio est petit et maigre et semble nerveux : on se croit par moments chez Astérix et Obélix. Sans oublier Idéfix : l'envie du metteur en scène de tout gâcher.

Deux exemples : le grand duo de réconciliation entre Norma et Adalgisa ne verra aucune accolade ou embrassade, bien au contraire, elles jouent au chat et à la souris sans complicité. Il se terminera devant le rideau : la Diva et sa rivale au plus loin, l'une côté jardin, l'autre coté cour, rivalisant de séduction grotesque envers le public ! Même le prélude du deuxième acte avec son solo de violoncelle ne fait pas son effet en raison de déambulations grotesques sur scène.

Aller jusqu'au bout de l'opéra, dans cette version, est une épreuve quand on aime le chef-d'œuvre de Bellini ! Ces deux DVD sont à fuir absolument malgré la remarquable interprétation d'Hasmik Papian. Quel scandaleux gâchis.

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