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Le Petit Ramoneur de Benjamin Britten à Lausanne

Devant un parterre de progéniture piaillante, le panachage des voix haut perchées crée une ambiance inhabituellement bruyante dans ces lieux austères généralement réservés aux conversations feutrées précédant les grandes œuvres du répertoire lyrique.

Le chroniqueur de service barbu et barbon se demande ce qu'il est venu faire dans ce poulailler et si ce tintamarre de suraigus cessera pendant la représentation. Tout à coup, comme par enchantement, sans qu'aucune grosse voix ne leur impose de se taire, le silence se fait. Le contraste est si fort qu'on se sent transporté dans un autre monde.

Et c'est un autre monde, en effet, dans lequel nous emmène avec cette histoire d'un jeune enfant vendu par des parents trop pauvres pour l'entretenir à un maître ramoneur. Black Bob exploite le petit Sam qui, terrorisé à l'idée de monter sur un toit pour y nettoyer une cheminée vertigineuse. Il s'attire la sympathie d'autres enfants, pensionnaires de la mégère Miss Baggott. Avec la complicité de la nurse Rowan, ils décident (et réussissent) de rendre le petit ramoneur à ses parents.

À Lausanne, le projet d' passe aussi par l'envie. Celui de faire connaître l'opéra à de jeunes oreilles. Après Pierre et le Loup de Prokofiev de l'an dernier, cette production du Petit Ramoneur s'inscrit comme une très belle réussite. Dans ce divertissement où se mélangent professionnels du chant et voix vierges d'enfants, la fraîcheur de la tendre enfance l'emporte souvent sur le métier. N'y cherchez pas le Pavarotti nouveau, les très jeunes interprètes de cette histoire chantent encore trop souvent faux pour qu'on y décèle la graine du prochain divo de nos scènes lyriques. Reste cependant leur envie. L'envie de chanter, de jouer la comédie, de se mettre en situation des « grands-qui-chantent-à-l'opéra », de se confronter avec eux-mêmes. Et là, ces enfants sont étonnants de sincérité.

Si le travail des enfants est louable, celui du metteur en scène Ignacio Garcia l'est moins. N'exploitant pas suffisamment leur naturel, il les oblige à se déplacer, à se comporter comme ils ne le feraient jamais dans des situations similaires à celles qui sont rencontrées dans cet opéra. Pourtant les costumes (Christophe Barthès de Ruyter) sont agréablement colorié et dessinés –cette Fifi Brin d'Acier est particulièrement réussie-, le décor (Cecilia Hernandez Milano) bien utilisé et les lumières (José Luis Canales) intelligentes et variées. Les « grandes personnes » de l'intrigue sont, quant à elles, bien en place. On y remarque l'excellent David-Alexandre Borloz (Black Bob / Tom) dont la voix terrifiante alliée à celle bourrée d'harmonique de son acolyte (Clem / Alfred) forme un duo initial superbement chanté. Sibyl Zanganelli (Miss Baggott) est une pécore vocale et théâtrale magnifique alors que la voix claire de Katia Velletaz (Rowan) s'intègre parfaitement dans son rôle de belle et proprette jeune nurse, sauveuse adulte de la situation catastrophique dans laquelle le petit ramoneur se trouve.

Théâtralement touchant, Maël Gra (Sam, le petit ramoneur) tient crânement son rôle du haut de ses dix ans ! Certes, la voix est blanche, neutre, petite mais dans tous ses défauts vocaux, il incarne le pathétique du personnage.

À la cheffe d'orchestre Mélanie Thiébaut revient le mérite d'avoir contenu orchestre et chanteurs dans une unité formidable face à l'inexpérience des enfants-chanteurs et à la complexité de la partition. En outre, le Quatuor de la et les deux pianistes se surpassent en musicalité et… quand le violon de prolonge l'accord, c'est du miel qui sort de la fosse d'orchestre.

Crédit photographique : © Marc Vanappelghem

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