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Le frisson au-delà de l’analyse

La MC2 de Grenoble aime décidément les cycles. Du 23 au 25 mars, « Bach to Bach » célébrait le compositeur à travers plusieurs concerts dont le point d'orgue était la célèbre Messe en si par les non moins célèbres Musiciens du Louvre. Concert dont les réservations étaient closes depuis bien longtemps et qui sera rediffusé en mai sur Radio Classique.

Si cette œuvre gigantesque est régulièrement donnée ou enregistrée en grand effectif, sur un modèle quasi-romantique, les interprétations faisant appel à une formation de solistes sont plus rares. a ainsi choisi d'offrir une interprétation qui, si elle est loin d'être inédite, n'en est pas moins propice à une redécouverte d'un des monuments de la musique vocale.

On pourrait, bien sûr, chercher la petite bête et se demander quel est l'intérêt de ce choix d'interprétation. On pourrait regretter, parfois, le déséquilibre entre les voix d'alto et les autres registres dans les passages polyphoniques, ou encore déplorer le fait que l'un des ténors couvre parfois l'ensemble par son enthousiasme lyrique. On pourrait encore émettre une petite réserve quant à l'interprétation de certains chœurs, jugée par certains trop intérieure et par conséquent pas assez expressive au sens romantique du terme. Ce seraient certes des réserves légitimes, mais pourtant inutiles voire déplacées.

Car la réalité de ce concert, au-delà de toute analyse rationnelle, tient en un mot : frisson. Le frisson du public lorsque s'élèvent les premières notes du Kyrie, avec une finesse et une plénitude de son qui envahissent en douceur la salle. Le frisson des solos de flûte, d'une finesse et d'une musicalité rares ; le frisson de ces vocalises qui, mises en valeur par des solistes, prennent toute leur saveur expressive. Le frisson de l'énergie formidable du Cum sancto spiritu, pris à un tempo frénétique. Mais encore et surtout les deux grands frissons de la fin, dus en grande partie à , qui nous offre un solo magique, d'une émotion si intense que le public n'ose plus respirer. Le silence qui suivit le Dona nobis pacem final en dit bien plus long que n'importe quelle ovation : comment applaudir après un mouvement si recueilli et intense ?

Certains concerts ne se prêtent pas à un compte-rendu objectif, car ce qu'ils ont offert était au-delà des mots et des inévitables petites réserves. Parfois, les émotions musicales sont au-delà de ce que l'on peut faire comprendre avec des phrases, aussi explicites soient-elles.

Le plus bel hommage, le plus beau compte-rendu qu'on puisse faire est alors de se taire.

Concert rediffusé le 17 mai à 10h sur Radio Classique.

Crédit photographique © Michel Garnier

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