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Une lune bien blafarde pour l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal

Parmi les nombreux ouvrages pour la scène de Franz , opéras italiens, comédies populaires, opéras pour marionnettes ou singspiel, le seul ayant survécu est une comédie qui s'apparente au Cosi fan tutte de Mozart.

Le livret, signé Carlo Goldoni, dramaturge vénitien dont on célèbre le tricentenaire de la naissance, regorge de dialogues savoureux et de scènes remplies de gaieté. C'est une bouffonnerie rehaussée d'airs fameux et de scènes captivantes, mettant en scène le vieux barbon Buonafede, ses deux filles Flaminia et Clarice, et la soubrette Lisetta, qui pourrait bien être leur sœur. Tout nous rapproche de la commedia dell'arte avec ses personnages stéréotypés qui plonge le spectateur dans le clair-obscur de la Terre et dans le monde de la Lune, dans la réalité et dans le rêve, le tout empreint de contours poétiques et d'une musique lumineuse. La ruse d'un faux astrologue Eccletico, secondé par ses amis Cecco et Ernesto, se porte au secours de l'amour. Inutile de préciser que les jeunes amoureux triompheront du naïf Buonafede.

Pour la troisième année consécutive, l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, les diplômés de l'École nationale de théâtre du Canada offrent au public le résultat de leurs efforts. La cuvée 2006-2007 n'est certes pas la meilleure. Il faudrait sans doute renseigner le public qu'il s'agit d'un spectacle de jeunes artistes lyriques en formation, car il leur reste beaucoup de travail à faire : il leur faudra apprendre mais aussi désapprendre beaucoup de choses s'ils veulent se hisser au niveau professionnel. Cela ressemble aux représentations données en fin d'année scolaire des universités McGill ou de Montréal. Que la chute est vertigineuse si on compare la production de cette année avec le Britten de l'année dernière, The turn of the Screw : spectacle gauche, jeu malhabile, toujours retenu par l'attraction terrestre des voix n'ayant pas les acquis nécessaires pour affronter un opéra de deux heures et demie. On en arrive même à douter qu'il s'agit d'un spectacle avalisé par l'Opéra de Montréal. Nous nous sentons victimes de cette farce, à l'instar du vieux barbon Buonafede. Notons que cette production comporte une autre distribution en alternance, peut-être est-elle supérieure. L'Opéra de Montréal devra se questionner sur le bien-fondé d'une telle entreprise, car si la démarche est noble, elle montre douloureusement ses limites. Il serait sans doute salutaire de revenir à l'ancienne formule de présenter des extraits d'opéras accompagnés d'un pianiste.

Le désastre est quasi-total et craignons que pour certains protagonistes, la chute soit irréversible. Nous éprouvons le plus grand malaise à commenter un tel spectacle et sans doute, parce qu'il s'agit de jeunes artistes, cela nous interdit de préciser avec plus de mordant la médiocrité des voix masculines. Elles sont toutes médiocres, les longs récitatifs sont ânonnés, la ligne de chant est en chicane constante avec la justesse. Il n'y a pas grand-chose à tirer d'eux. En revanche, , dans le rôle de la soubrette Lisetta, belle voix de mezzo-soprano, parvient à incarner un personnage drôle et intéressant. On se souvient de son excellente Mallika, dans Lakmé, présenté à l'Opéra de Montréal en février dernier. , soprano qui nous avait donné quelques frissons dans le rôle de la Gouvernante de The Turn of the Screw de l'an dernier, peine dès son premier air à vocalises, difficultés qu'elle éprouvera tout le long de la soirée.

On comprend le casse-tête qu'une telle distribution peut occasionner au chef d'orchestre et les raisons patentes d'alléger la partition. Notons parmi les coupures opérées dans les airs de Cecco, d'Ernesto et d'Eccletico. Enfin, le metteur en scène n'a vu l'œuvre que du petit bout de sa lorgnette.

Crédit photographique : © Yves Renaud

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