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Quand Desdémone se couche à terre

Ce n'est certes pas la première fois que la question est posée. Mais après avoir visionné ce DVD, on ne peut faire autrement.

Pourquoi les metteurs en scène actuels ont-ils tellement peur de beaux décors ? Dans le cas présent, nous avons affaire à une direction d'acteur souvent fascinante, mettant en relief de façon exemplaire les relations entre les différents personnages. Mais cette impression très favorable est presque anéantie par la manie de dépouiller la scène à l'extrême. On n'y trouve ni navire ni palais, pas même un lit au dernier acte, la pauvre Desdémone étant contrainte de se coucher par terre. De même, clamant haut et fort « Feu de joie ! », le chœur doit avoir une vision, car aucun feu n'est allumé. Et Cassio réussit à se griser sans boire une seule goutte ! Est-ce cela « mettre en valeur l'essence de l'œuvre » comme nous l'apprend la notice ?

Côté musique, l'impression est aussi mitigée. D'une intensité fort bienvenue au début, la direction de n'échappe pas à la banalité par la suite. Après un deuxième acte aux tempi souvent trop rapides, voire poussifs (« Si pel ciel » frôle la catastrophe, les deux chanteurs n'arrivant plus à rattraper le chef), Ros-Marbà se rachète par un finale III très bien construit et un quatrième acte expressif. Dans le rôle-titre, grâce à un jeu très habité, dessine un portrait impressionnant du héros fragile. Hélas, la voix ne suit plus. Certes, le timbre fascine toujours, mais cela ne suffit pas à masquer les carences techniques désormais flagrantes : voix placée en arrière, aigus constamment attaqués par en dessous, mezzavoce détimbrée, phrasé scolaire. Pourquoi n'écoute-t-il pas sa partenaire, la formidable Krasimira Stoyanova ? Elle lui montre si bien comment on chante legato, comment on fait pour attaquer une note aiguë pianissimo ou comment on développe un crescendo. Et pourtant, cela n'a jamais l'air d'une démonstration technique. Au contraire : sa Desdémone est des plus touchantes. De même, est un Jago tout à fait convaincant. Vrai baryton verdien, à la voix corsée et sonore et aux aigus impressionnants, il se montre également très attentif aux nuances. S'il réussissait à développer plus de couleurs dans la voix, il mériterait d'être cité parmi les plus grands interprètes du rôle. Aux côtés des trois protagonistes, nous trouvons assez fade le Lodovico de et correct sans plus, le Cassio du jeune . Mention spéciale enfin pour la belle Emilia de  : un talent à suivre….

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