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Paolo Olmi. Veni, vidi, vici !

Il y a un côté presque magique à voir comment ce chef, petit par la taille, parvient à tirer de son nouvel orchestre des effets et des émotions dépassant toute mesure… Pour clore sa première saison à la tête de l', avait choisi un programme de musique française (aux accents espagnols…) ; et il y a démontré, si besoin était, qu'il avait tout le talent des « grands » Maestros

España d' créée en 1883 aux Concerts Lamoureux plonge l'auditeur en pleine ambiance ibérique ; par l'usage de mélodies et rythmes notés lors d'un voyage en Espagne, Chabrier réussit à transformer le matériau populaire en une véritable œuvre symphonique. Ici, jota aragonaise et malagueña méridionale se mêlent pour exprimer tout un panel d'émotions, de la douce et rêveuse sensualité à la fantaisie frénétique ; en utilisant une variété des rythmes et des couleurs orchestrales, Chabrier a composé une œuvre remarquable et appréciée, qui contribua à compenser la malchance relative de sa carrière. , visiblement inspiré par la pièce, est parvenu à dynamiser tout l'orchestre et à en tirer de superbes nuances, ainsi que des couleurs orchestrales impressionnantes. Des cordes tantôt chantantes, tantôt rythmées, des cuivres précis et un tutti d'un legato homogène mais toujours malléable : le chef avait à sa disposition un formidable outil pour exprimer au mieux cette « fantaisie ibérique » pour orchestre, introduction toute trouvée à la Symphonie Espagnole de Lalo.

fait partie de ces violonistes fascinants par leur personnalité : lorsqu'il entre en scène, il a quelque chose d'» extra-terrestre », au sens propre du terme, un quelque chose du virtuose génial et démoniaque qu'on a décrit en Paganini. Markov, ou comment l'interprète finit par s'identifier à ses références fétiches… Dédiée à Sarasate, la Symphonie Espagnole, en cinq mouvements, fut créée en 1875 à Paris par son dédicataire, sous les ovations d'un public saluant plus le virtuose que l'œuvre elle-même, qu'on juge alors trop romantique pour être vraiment « espagnole ». Paradoxe, quand on écoute Markov, c'est le romantisme qui ressort dans l'Allegro non troppo, où il use abondamment des glissandi et d'un vibrato très large ; le jeu d'archet est certes rythmique, mais par les contrastes de nuances qu'il impose à ce mouvement, et par son jeu stylé (ces grands mouvements d'archets en l'air…), le violoniste choisit résolument de focaliser son interprétation sur le caractère symphonique (et donc romantique…) de l'œuvre, plus que sur son aspect folklorique. Le Scherzando, débordant de rythmes syncopés dans une orchestration des plus chaleureuses, permet à de démontrer toute sa virtuosité : l'ancien élève de Jasha Heifetz a visiblement une maîtrise totale de son jeu d'archet et de sa main gauche. On le sent plus inspiré dans l'Intermezzo, où son jeu devint finalement plus dansant, plus souple, bien rythmé par des accents parfaits et judicieux ; il offre enfin un beau son plein et riche, dans une ambiance de habanera portée par un orchestre précis, réceptif, et visiblement enjoué. C'est finalement dans les deux derniers mouvements, et particulièrement dans le Rondo final, que l'interprétation de Markov est la plus intéressante, dans le sens où il fait la pleine démonstration, non seulement de sa maîtrise technique, mais surtout, de sa capacité à contraster les émotions ; une vision sereine, simple, très « musicale » et sincère de l'Andante, puis la virtuosité débordante du Rondo, couplée à des passages d'extrême romantisme, menant sur un finale d'une difficulté technique évidente (acrobaties d'archet, octaves, montées chromatiques, etc. ). Il semble en fait qu'entre le romantisme et la virtuosité, le soliste ait préféré ne pas choisir, et finalement, proposer les deux dans une seule œuvre… Mais que serait Markov sans Paganini ? Après avoir reçu une ovation du public, il propose en bis le Vingt-quatrième Caprice, où il peut exprimer à pleine mesure sa virtuosité sans faille, tirant de son violon toute l'hystérie et la démesure de la musique de Paganini.

La Sinfonietta de Poulenc qui vint clore cette soirée, originellement pensée comme une petite pièce, est devenue, par un « excès d'inspiration » du compositeur, une symphonie à part entière. Et quelle symphonie ! Créée au sortir de la Guerre, elle résume peut-être mieux qu'aucune autre œuvre la personnalité de  : fantaisie, et rigueur quasi-scolastique. Ainsi, on ne pourra choisir entre la douceur de l'Allegro, grande page symphonique, envoûtante, et entre la virtuosité fantaisiste et héroïque du Molto Vivace. Après un Andante lyrique et simplissime, la Sinfonietta, tout en contraste d'atmosphères, de couleurs et de rythmes, se clôt dans un Finale où s'exprime la virtuosité rythmique de l'orchestre, dans une atmosphère gaie et dansante. parvient, par des contrastes remarquables de nuances, de couleurs orchestrales, et quelquefois de tempo, à canaliser toutes les forces de l'orchestre afin de proposer une pléthore d'ambiances, de thèmes, d'harmonies, le tout dans une impression d'apparente simplicité orchestrale. Saluons tout de même la très belle prestation des pupitres de cordes, de clarinettes et de cors lors de ce concert.

On a l'habitude de dire qu'il y a trois types de chefs : ceux qui font jouer, ceux qui laissent jouer, et ceux qui empêchent de jouer. À observer la réceptivité et le dynamisme de l' sous la baguette de Paolo Olmi, il semblerait bien que le Maestro italien fasse partie de ceux qui « dirigent » le jeu. Car dans quelque « jeu » que ce soit, il faut toujours un chef pour l'inspirer et le guider, un chef au bon sens du terme. Il semblerait donc que Paolo Olmi ait totalement compris la personnalité de l'OSLN, et conquis, par son talent et son style propre, la confiance de son orchestre ; ainsi que l'admiration du public nancéen….

Crédit photographique : © Ville de Nancy / IMG Artists

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