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Sortilèges et magie des Contes de Perrault

Contez-moi, monsieur Perrault …

Le rideau s'ouvre, cliquetant comme un trousseau de clés. Puis le jeu subtil et aérien du clavecin « comme des bulles d'air », nous emporte au pays des songes et des sortilèges et… mais n'allons pas trop vite ! Avant de rejoindre le royaume des fées et des ogresses, présentons le spectacle et ses architectes.

La Fabrique à Théâtre et le Théâtre du Ranelagh offrent du 3 avril au 3 juin, leur premier festival du théâtre baroque : « Eclats baroques ». En deux mois, les artistes et artisans de ce festival auront proposé au curieux, de redécouvrir l'extrême diversité de ce théâtre, invitant à revisiter des auteurs et des genres, évoquant tout un monde perdu, mêlant tout à la fois, musique de la voix et des instruments, chorégraphie de la gestuelle baroque et des danses, décors et ornementations musicales, éclairage à la bougie et rayonnement de la musique.

Il était une fois un claveciniste « passionné de littérature », , et un metteur en scène « curieux de théâtre baroque », . De leur rencontre est né le spectacle qui nous a été donné ce samedi 26 mai après-midi « Contez-moi, monsieur Perrault », reprenant trois des « Contes du temps passé » du recueil de la mère Loye, dans la version originale publiée par Charles Perrault lui-même (La Belle au Bois dormant, Les Souhaits ridicules et Barbe – Bleue).

Revenons à ce moment magique, où le rideau s'ouvre. « Il était une fois … ». Par la grâce des mots anciens et de la musique du clavecin, si claire et mélancolique, tout un monde revit, où se côtoient fées et ogresses (mère-grand indigne !) princesse insolente (« mon prince… vous vous êtes bien fait attendre » !) et prince bien évidemment « jeune et amoureux » mais qui se doit « d'être vaillant » (toute allusion érotique n'étant pas fortuite !), bûcheron et bûcheronne que le destin ne sauvera pas de leur état (illustration de la cruauté d'une société où dès votre naissance, votre vie est déjà écrite), valets malins, seigneur à la Barbe–Bleue, jeune épouse curieuse et infidèle, qui échappera à un sort peu enviable grâce à sa famille bienveillante…

Une fois encore le monde baroque fusionne dans un même mouvement toutes ses richesses. Tableau vivant, les codes de son théâtre font du spectateur un héros de la fable. Fixant toujours la salle, les deux comédiens (ou plutôt conteurs) : Ségolène Van der Straten et Julien Cigana dans leurs magnifiques costumes, nous permettent de tenir à leurs côtés, tous les rôles. Les deux acteurs savourent les mots de la prononciation baroque. Ils servent si bien le texte que les enfants (petits et grands) sont captivés par le récit. Décors, musique et gestuelle s'associent, donnant vie, cœur et âme à ce spectacle.

a voulu que le claveciniste tienne un vrai rôle sur scène. Lui-même empêché, a été remplacé le temps de cette représentation par un tout jeune claveciniste, dont la délicatesse et le doigté révèle une virtuosité, à la palette ornementée avec goût de couleurs chatoyantes. Ce jeune musicien semble parfois manquer d'assurance pour remplir ce rôle à part entière. Mais ses timidités d'acteurs finissent par créer autour du clavecin un sentiment de douceur et de fragilité, faisant de lui, le rêveur/dormeur qui tourne par enchantement, sans même les frôler, les pages des partitions. Le clavecin accompagne, illustre, tout au long du spectacle les moments forts de l'histoire (foudre de Jupiter ou appétit démesuré de l'ogresse, pas légers et sautillants de la petite Aurore ou tendre innocence du petit Jour, …).

Quant aux airs choisis pour illustrer les contes, ils sont une féerie en soi. S'ils ont parfois été composés, comme Les Bottes de sept lieues de Corrette, pour accompagner ces histoires, d'autres sont des jeux de mots pour les compositeurs. Les notes, éclats de vie, rythment et harmonisent le récit. La Magicienne de Dandrieu ouvre le rideau et file le temps du conte. La Fileuse de Couperin se joue des fils de la vie. Les Etoiles de Corrette veillent sur le sommeil de la belle, musique des sphères au son si charmant que l'on en oublierait que c'est le prince qui doit tenir ce rôle, évoquant (ou invoquant) ainsi dans le sommeil de cette jeune princesse les plaisirs sensuels de la vie, qui l'attendent à son réveil. Quant à la Chaconne finale de Dieupart, elle nous entraîne dans son mouvement, dans une danse de nymphes joyeuses.

Il était une fois… alors n'hésitez pas, si votre cœur rêve de retrouver sa part d'enfance, ces contes pour adultes aux moralités surprenantes vous attendent. La Fabrique à Théâtre et le Théâtre du Ranelagh donneront encore la semaine prochaine ce merveilleux spectacle. Ou retrouvez également La Belle au Bois Dormant au disque,

auprès de la Fabrique à Théâtre.

Crédit photographique ©La Fabrique à Théâtre

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