- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Fernand Ansseau, légende du Théâtre Royal de La Monnaie

C'est un vrai plaisir de retrouver le sympathique label français Malibran qui nous a déjà offert tant de joies associées aux gravures historiques de chanteurs illustres du début du XXe siècle, et cela grâce au regretté .

Aujourd'hui , lui-même ténor remarquable, a repris le flambeau en élargissant considérablement la prospection du label : aux côtés des CD traditionnels aux lettres blanches sur fond rouge, est apparue une série conséquente de CD-R de présentation inverse, lettres rouges sur fond blanc, dont fait partie l'album de deux disques sous rubrique, qui constitue à ce jour l'anthologie la plus complète consacrée au chanteur belge.

Mais au fond, qui connaît encore , cet admirable ténor né à Boussu-Bois près de Mons le 6 mars 1890, et mort à Bruxelles le 1er mai 1972 ? Peu de gens sans doute, car cet artiste était tout aussi timide et modeste que remarquablement doué. Et pourtant, il a chanté avec les plus grands : , , , , , pour ne citer que quelques-unes des gloires de la première moitié du XXe siècle.

Ansseau a relativement peu enregistré – comparativement à une Emmy Destinn ou un Caruso, par exemple – mais ses quelques soixante faces de 78 tours/min étalées de 1919 à 1930 et consacrées essentiellement à des airs d'opéras sont pures merveilles qui pourraient tenir sur trois CD au total. C'est donc une sélection de deux tiers que nous propose Malibran sur cet incomparable album de deux CD rayonnant de cette voix à la musicalité virile et prenante, cette voix qui fit les beaux jours du Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles de 1918 à 1939, sans compter Paris, Londres, Chicago et San Francisco.

Son chant était étonnamment moderne pour l'époque, exempt de ce vibrato rapide et serré, typique de beaucoup de ténors français (ou d'expression française) du moment, ce qui donne toujours à son art sa pleine actualité : la voix est parfaitement claire, présente, et la diction absolument compréhensible. Tout au long de ce récital, on est subjugué par l'état de grâce du chanteur à la voix légère, lyrique et tout en subtilité. Le choix des airs d'opéras est un enchantement de tous les instants et démontre parfaitement ce qu'est l'esprit français dans le chant : la grâce, l'élégance et le goût. Remarquons particulièrement la présence de gravures consacrées à deux extraits de l'œuvre lyrique Monna Vanna (1909) d'Henry Février (1875-1957) – le père du grand pianiste Jacques Février (1900-1979) – qu'un éditeur discographique serait bien inspiré de remettre enfin intégralement à l'honneur, puisque des légendes comme , , ou n'ont pas hésité à lui consacrer leur art !

La sélection choisie par Malibran couvre toute la période de l'activité discographique de  : sur les 42 faces proposées, 23 sont gravées acoustiquement et 19 électriquement. Hormis le fait qu'ils font démarrer quatre plages un peu brutalement (CD-R 1, plages 13 et 19, et CD-R 2, plages 14 et 17), les transferts sont en pur mono, respectueux des gravures originales, sans réverbération artificielle ajoutée, et réalisés de sorte que l'on distingue à peine le passage d'un système d'enregistrement à l'autre. Les chefs d'orchestre, non renseignés par Malibran, sont tour à tour Lawrance Collingwood, Piero Coppola,  ; ils dirigent des orchestres anonymes. Maintenant peut-on rêver de la part de Malibran d'une «intégrale Ansseau» qui ne demanderait qu'un seul CD supplémentaire ?… Si tel n'était pas le cas, Marston serait bien aise d'exaucer ce vœu !

Les passionnés fouilleront le catalogue Malibran où ils trouveront des richesses telles que la seule édition de gravures du ténor (MR569), un autre artiste bien oublié, ainsi que des enregistrements de (MR580), l'incomparable interprète en français du Pays du Sourire (1932) de , dont il a fait sien le rôle du Prince Sou-Chong, et créateur de celui du Prince Dagor dans Yana (1936), l'opérette en 2 actes et 25 tableaux de Tiarko Richepin et Henri Christiné.

(Visited 933 times, 1 visits today)