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Concertuum Sacrorum : un cadeau précieux pour les fêtes

Serait-ce bientôt Noël ? Ce double album entre les mains, sa beauté aux couleurs chaudes, se présentant comme un livre précieux et rare, nous fait hésiter. L'ouvrir ne risque-t-il pas de rompre le charme ? On se prend à imaginer une belle soirée d'hiver. La neige recouvrirait le monde de son silence et le feu dans la cheminée palpiterait et nous nous installerions alors confortablement pour l'écouter.

L'Allemagne en ce début du XVIIe siècle est un carrefour musical européen, composé de nombreux états au rayonnement culturel indéniable. C'est à Halle, dont il est l'organiste attitré, qu'en 1622 fait paraître les Concerts Sacrés. Il est alors un homme à qui tout semble réussir. Son cercle d'amitiés lui permet d'enrichir sa démarche créative, si fortement influencée par la Hollande. Il parvient ainsi à marier le style concertant italien aux psaumes et chorals luthériens. Le premier CD de cet enregistrement est en fait une réédition. La luminosité qui en émane nous laisse sous le charme. Quoi de plus joyeux que ces halleluja rythmés du Concertus V : Hodie completi sunt, qui évoque à nos esprits contemporains le chant Gospel. Et puis cette voix comme enchantée, rayonnante de Katelijne Van Laethem, au timbre d'une rare délicatesse qui n'est pas sans rappeler le visage à l'intériorité irradiante de la jeune fille à la perle de Vermeer, invitation à un voyage qui nous mène tout au long de ces concerti aux confins de la conscience. La Fenice et le offre ici au polychoral extrêmement riche et variée un son au velouté somptueux et une architecture flamboyante.

Le second CD présente l'avantage de nous montrer à quel point, l'histoire au contexte fluctuant d'une même région au cours du XVIIe siècle pouvait influencer les courants musicaux et les compositeurs qui se connaissaient et s'appréciaient. Lorsqu' compose les Kleine geistliche Konzerte, nous sommes entre 1636 et 1639. La Guerre de Trente ans et ses ravages ont contraint l'Electeur de Dresde pour qui il travaille, à réduire les effectifs et les moyens mis à sa disposition. Mais ne nous y trompons pas, le style de ces concerts spirituels lui n'a rien de simple. Il possède un sens théâtral et une émotion à fleur de peau, que le regretté contre-ténor ne peut que faire surgir par sa voix puissante et colorée. L'ornementation du chant par l'ensemble des interprètes répond parfaitement à l'idéal esthétique italien que Schütz a longtemps développé dans son œuvre, tout en tendant vers une simplicité qui aboutira bien plus tard aux cantates de Bach.

Ce double album, en dehors de sa magnifique présentation, vous permettra de voyager dans cette Allemagne d'un autre temps, en compagnie de musiciens à qui et le redonnent vie, nous rendant perceptible les bonheurs et les souffrances de ces cités ravagées par les guerres et la peste mais qui, envers et contre tout, se reconstruisaient en s'enluminant d'une vie culturelle, où la musique bénéficiait de l'appui de princes mécènes, souhaitant donner à leur environnement les couleurs et les textures d'un monde joyeux et soyeux. Et si même pour les plus puristes certaines interprétations peuvent parfois sembler « dater » (le plus ancien enregistrement est de 1981), quel bonheur que de réentendre la viole de ou la voix d'. Les plus beaux rêves ne s'effacent jamais.

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