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Tugan Sokhiev aussi charismatique que Léonard Bernstein !

Le Capitole « du dimanche »

Dans le cadre des concerts du dimanche après-midi ce premier concert de la saison 2007-2008 revêtait un caractère particulier à plus d'un titre. , en dirigeant cette œuvre du grand compositeur Russe, était très attendu. En effet, son interprétation descend en droite ligne de la tradition héritée de Tchaïkovski. Le jeune chef a fait ses études au sein du prestigieux conservatoire de Saint Petersbourg dans lequel le compositeur lui-même enseigna. La symphonie n°4, donnée l'an dernier par ces mêmes interprètes et dans cette même salle, avait laissé un souvenir éblouissant. L'attente était d'autant plus impatiente que va pour la première fois diriger au Capitole de Toulouse, mais dans la fosse cette fois, un opéra de Tchaïkovski. La Dame de Pique est en effet thématiquement très proche de cette symphonie n°5. Nous allions donc avoir un aperçu des splendeurs à venir, en mars prochain, date de la production de cette Dame de Pique.

Devant de telles attentes, les risques sont toujours grands, mais est allé encore plus loin. Son interprétation est simplement magistrale. Il tient l'orchestre dans une main de fer, ne laissant aucune sensiblerie, aucun pathos grandiloquent, aucun laisser-aller s'installer. Dans une œuvre si dramatique et par moment désespérée, un tel choix artistique est tout simplement fidèle aux indications de l'auteur que de grands chefs semblent avoir trop souvent oubliées. Le deuxième mouvement est un Andante cantabile con alcuna licenza. Cette indication de Tchaïkovski est la clef de voûte de toute la construction de ce chef d'œuvre. Le résultat est une tension installée progressivement et inexorablement qui arrache des larmes lorsque le solo de cor débute l'andante, cloue de terreur dans le dernier mouvement avant cette apothéose du désespoir choisi et d'un destin assumé, en une assomption de motifs de danses tonitruantes. Cette admirable ligne de construction dessinée par Sokhiev et l'orchestre semblant ne faire qu'un, elle s'accompagne d'une finition des détails frôlant la perfection. Tous les solistes sont excellents, à la fois engagés émotionnellement et capables d'une splendeur de son réjouissante. Les bois et les cuivres, que le chef a fait saluer comme des solistes les uns après les autres, ont été vivement applaudis. Mais les cordes, certes un peu plus fragiles, donnaient une note sensible bien dans l'esprit de cette symphonie.

Avec de tels interprètes, nul doute que la Dame de Pique sera somptueuse.

Mais Tugan Sokhiev n'est pas seulement un chef brillant et un musicien accompli, c'est aussi un homme doué d'un sens de la communication hors du commun. Dans un Français charmant avec un accent irrésistible il a présenté lui-même le concert. Réservant de nombreuses surprises à un public comblé. Un mot sur ce public dont la jeunesse est toujours réjouissante dans ces concerts démocratisés du dimanche après-midi, mais qui était encor plus jeune ce dimanche-là. En effet, la ville de Toulouse avait invité les ambassadeurs et leurs parents qui vont porter la candidature de la ville rose comme capitale européenne de la culture de 2013.

Ces adolescents de 12 ans seront tout juste majeurs en 2013. Leur enthousiasme était si grand qu'ils ont applaudi entre les mouvements de la symphonie, ce qui n'a d'ailleurs déconcentré personne. Cette œuvre aussi difficile et noire a été entourée d'œuvres beaucoup plus festives.

Cadeaux de l'orchestre et du chef, permettant d'apprécier la virtuosité de l'orchestre. Ouvrant le concert, une très belle lecture, d'un tableau très coloré, Dans les steppes de l'Asie centrale d'Alexandre Borodine a permis une invitation au voyage très suggestive. Cette œuvre a aussi mis en lumière une certaine fragilité des cordes en particulier avec ces extraordinaires tenues dans le suraigu.

Après la symphonie et afin de rester dans l'esprit de cette invitation à la danse, une danse slave de Dvořák tout à fait endiablée a enthousiasmé le public. Puis la danse du bouffon de Rimski-Korsakov avec un coté âpre, et la danse vertigineuse de Trépak du Casse noisette de Tchaïkovski, et enfin le fameux vol du bourdon qui a mis les cordes à rude épreuve tant le tempo était endiablé.

Voilà un concert dans lequel intelligence et générosité ont dominé. Les politiques et les décideurs dans la salle n'auront certainement pas été insensibles ni au charisme du jeune chef (il y a quelque chose de dans sa manière de s'adresser au public), ni à la rigueur de sa démonstration des axes de travail qu'il propose à ce superbe orchestre du Capitole de Toulouse. Il entend valoriser le travail de Michel Plasson, et sur la base de « vents » (bois et cuivres) admirables, développer au même niveau d'excellence les cordes. Si le public et l'orchestre décidaient du choix du prochain chef de l'orchestre (car Tugan Sokhiev n'est encore que le premier chef invité) après une telle démonstration, nul doute quant à leur choix en cette fin d'après-midi. Heureux Toulousains qui, avec entre autres un tel orchestre et un tel chef, ont raison de prétendre à la place de capitale européenne de la culture en 2013 pour leur ville rose ! Le message de cette symphonie du destin est clair : victoire ou défaite, ce qui compte c'est d'accepter son sort en s'y soumettant en dansant….

Crédit photographique : © DR

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