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Un baroque sacrément vivifiant

Domaine privé de René Jacobs

Requinquant, revitalisant, avec et le , l'automne redevient enfin le mois de Bacchus et d'un soleil qui sous ses rayons à l'apparence mélancolique nous invite à vivre sans tarder. Une salle captive et captivée par des musiciens extraordinaires et un programme dont les textes possèdent une poésie truculente, aux effets comiques où la veine parodique le dispute à la gouaille populaire et s'enrichissent d'une musique à la créativité et à la virtuosité éclatante et déconcertante pour un genre que l'on pourrait considérer comme mineure.

Le « Domaine privé de René Jacobs » est à l'image d'un grand artiste auquel le renouveau du baroque permet les plus folles des libertés. Les interprètes du et sont animés par une flamme qui redonne une vie pétillante et joyeuse à ses partitions et ses livrets injustement oubliés.

Ces « Cantates comiques » relèvent des jeux de salons destinés à divertir le public des longueurs de la tragédie en musique. Qu'ils aient laissés leur nom dans l'histoire, tel Telemann ou soient passés presque inaperçus à la postérité tel le librettiste des Indes Galantes, ou le professeur de harpe de Marie-Antoinette, Pierre de La Garde, ou totalement effacés des mémoires comme Nicolas Racot de Granval, tous ces compositeurs possédaient un talent rare, savoir faire rire sur une musique dont on découvre une légèreté et une agilité faites d'audaces créatives et d'une réelle liberté de ton.

sait savourer les mots, jouer avec eux et avec sa voix, cette tessiture si riche qu'elle offre au chant baroque des couleurs à nulle autre pareille. Il fait ainsi de La Matrone d'Ephèse (mais il en est de même de tous les autres morceaux) un vrai petit bijou d'interprétation. Il y interprète (y joue) cinq rôles différents : une Matrone, veuve au désespoir bien léger, une servante au zézaiement à se tordre de rire, un soldat/séducteur particulièrement goujat mais bien vivant, un mort bien mort, dont la voix d'outre tombe ne peut que prêter à la farce et un récitant témoin soulignant d'effets comiques une histoire qui pourrait paraître bien amorale.

Cette musique autorise toute les facéties : durant la leçon de musique de La Sonate par exemple, les musiciens inspirés du se montre des élèves indisciplinés, se gaussant du maître, nous rendant complice d'une désobéissance plaisante. Véritable comédie dans la comédie, chaque tirade y offre des trésors de possibilité de jeux musicaux et de mots. Et puis il y aussi ces œillades enamourées entre un rougissant (!!) et Dominique Visse séducteur dans le passage où La Matrone s'abandonne à l'amour, « Beau brunet, mes amours, M'aimerez-vous toujours ? ».

Est-il encore besoin d'écrire, combien tous les musiciens du Café Zimmermann sont des artistes merveilleux ? Le violon subtil, léger, vibrant de , , la flûte enchanteresse de Diana Baroni, le clavecin discret et solaire de , … il est impossible de tous les citer mais tous ici nous ont montré combien le baroque recèle de trésors à découvrir grâce à leur passion et à leur talent.

Il ne vous reste donc plus qu'à guetter avec impatience la prochaine programmation, pour votre grand plus bonheur, nous vous l'assurons, de ces Cantates Comiques.

Crédit photographique : © Emiko Hall

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