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Inland Empire : le disque attendu de la rentrée

David Lynch MC

Cette année, le réalisateur américain David Lynch (Dune ; Elephant Man ; Sailor et Lula ; Mulholland Drive ; Lost Highway), surtout connu pour ses univers étranges et dérangeants, livrait au public son film le plus personnel : une œuvre vidéographique expérimentale, INLAND EMPIRE, exclusivement tournée en numérique, où David Lynch pousse à son comble l'abstraction. A partir d'un pitch très simple (une comédienne, interprétée par Laura Dern, décroche un premier rôle dans un film maudit) le cinéaste nous propose pendant deux heures cinquante un trip hallucinatoire et délirant, composée de séquences brutes. Le film, avant-gardiste, en devient tellement hermétique qu'il en est parfois ennuyeux, mais si l'on résiste à la tentation du sommeil, INLAND EMPIRE éveille en nous des sensations très diverses : en effet, INLAND EMPIRE n'est pas un film narratif mais un film essentiellement sensoriel, ce qui est forcément déroutant pour le grand public.

Dans ce contexte, la musique est évidemment un élément important de l'œuvre. Dans sa longue carrière, David Lynch a toujours fait très attention à la bande sonore de ses films, une composante essentielle de son langage : et pour cause, il est également musicien. Cette fois-ci, ce film étant sans doute trop personnel, le cinéaste n'a pas fait appel au compositeur Angelo Badalamenti et a préféré l'approche qu'il avait déjà adoptée dans Lost Highway. C'est donc un ensemble hétéroclite de morceaux préexistants qui composent la bande sonore d'INLAND EMPIRE et qui sont présentés sur le disque édité par David Lynch MC à l'occasion de la sortie du DVD.

On y trouve bien entendu huit morceaux de David Lynch : rock rétro, barré et expérimental avec des delays sur la voix ou nappes crépusculaires. On appréciera tout particulièrement le sublime Polish Pœm chanté par Chrysta Bell, un morceau bouleversant qui évoque les atmosphères éthérées de Mulholland Drive ou de Lost Highway.

Pour le reste, la musique d'INLAND EMPIRE mélange avec adresse plusieurs traditions : le rock (le rock'n roll nostalgique vivifiant de Little Eva, ou à l'opposé le rock très moderne de Beck) et le jazz (le jazz orchestral de Mantovani, un morceau célèbre de Dave Brubeck, Three To Get Ready, un morceau orientalisant de Kroke et une chanson énergique de l'inévitable Nina Simone, Sinnerman) fricotent ainsi avec la musique savante contemporaine (le légendaire Als Jakob Erwachte de , déjà popularisé par Stanley Kubrick). Plus fort, David Lynch télescope dans la même plage une pièce contemporaine de Lutoslawski Novelette Conclusion et un morceau rock de Jœy Altruda, Lisa.

Le disque trouve sa cohérence dans ce mélange constant entre la spontanéité rythmique propre au rock et au jazz, les expérimentations avant-gardistes et les mélodies éthérées proposées par David Lynch. Les morceaux ont trouvé leur juste place au mastering. Et au final, ce disque se révèle totalement Lynchien : décontracté, libre, subversif, sensuel, érotique, mélancolique, onirique. A l'instar du film originel, cette compilation, habile, se révèle être une vraie expérience sonore.

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