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Le Caïd, et la face cachée d’Ambroise Thomas

Pour la première biennale « », le choix de l'Opéra-Théâtre de Metz s'est porté sur un ouvrage de jeunesse, l'opéra-bouffon Le Caïd créé à l'Opéra-Comique en 1849.

Premier grand triomphe du compositeur français, qui n'avait jusqu'alors connu que quelques succès d'estime, l'ouvrage devait atteindre un total de 400 représentations au tout début du XXe siècle. C'est donc un juste retour des choses que de permettre au public français de redécouvrir cette délicieuse partition, admirée autrefois de Berlioz, de Bizet et de Théophile Gautier. L'ouvrage, écrit dans les formes et le style caractéristiques de son époque, se donne en fait à lire comme une subtile parodie de l'opéra italien et de ses conventions. On ne sera pas étonné, à ce titre, d'apprendre que les débuts sur scène du Caïd coïncidaient peu ou prou avec une série de représentations de L'Italienne à Alger, données parallèlement au Théâtre des Italiens.

C'est donc plus d'une fois que l'auditeur qui découvre la partition aura l'impression d'entendre de la musique de Rossini, avec toutefois ce léger second degré parodique propre à tout pastiche. Le sujet de l'opéra, qui met en scène les tribulations d'un couple de jeunes Français venus faire fortune en Algérie, n'est d'ailleurs pas sans rappeler par certains aspects l'intrigue de l'opera buffa du compositeur italien. La mise en scène proposée à Metz aura largement permis au public de percevoir cette dimension.

Plutôt que d'évoquer, et fort heureusement, les répercussions politiques que pourrait susciter la présence militaire française dans l'Algérie coloniale de cette époque, la mise en scène accentue au contraire la dimension féerique d'un Orient magique, plein de couleurs et de saveurs. Sur fond de tapis volants, de minarets et d'autres accessoires qui pourraient dans un autre cadre se réduire à une accumulation de clichés, le joli dispositif scénique conçu par Enzo Iorio évoque autant les Mille et une nuits que, parfois, l'atmosphère luxuriante et luxurieuse d'un tableau de Delacroix. La mise en scène d', d'une rare fluidité, donne la première place au geste, au mouvement et à la danse, et contribue ainsi à la réussite de fort jolis tableaux qui à tout moment suscitent et nourrissent l'œil du spectateur.

Un rien tendus au début du premier acte, les interprètes réunis sur le plateau se révèlent tous à terme d'excellents comédiens, et le niveau vocal est dans l'ensemble d'une grande homogénéité. Saluons ainsi Jean-Loup Pagesy et , tous deux particulièrement à l'aise dans les rôles d'Aboul-Y-Far et d'Ali-Bajou. éprouve parfois quelques difficultés avec le registre élevé de sa voix, mais sa prestation est généralement de très bonne tenue. en fait des tonnes dans le rôle de Michel, personnage dont les fanfaronnades contribuent en large partie au comique de la mise en scène ; sa voix parfois un peu verte ne peut pas encore, évidemment, se mesurer tout à fait avec celle des grands interprètes du passé (Pol Plançon, Ezio Pinza, , , Samuel Ramey…) qui ont autrefois gravé le célèbre air du tambour-major. Dans le rôle de Virginie, déploie elle aussi un instrument très prometteur, conduit avec beaucoup de goût et de musicalité ; assurément une carrière à suivre. Une mention également pour , convaincante dans le rôle du Fatma, ainsi que pour l'acrobate dont les nombreuses apparitions constituent une sorte de fil conducteur tout au long de la soirée, Les chœurs de l'Opéra-Théâtre de Metz et l', dirigés très efficacement par Jacques Mercier, contribuent eux aussi à la réussite de ce très joli spectacle dont on espère qu'il pourra un jour être vu en dehors de la ville natale du compositeur. En attendant, le public messin, qui pourra se réjouir de réentendre Hamlet et Mignon dans les années à venir, aura été le premier à redécouvrir la face comique et divertissante (et cachée…) d'.

Crédit photographique : visuel 1 : , , ; visuel 2 : , , , Jean-Loup Pagesy, , © Christian Legay Opéra-Théâtre de Metz

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