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Toute la poésie de la Sonnambula avec Natalie Dessay

La Sonnambula est un opéra si délicat et si plein de pièges que la réussite de cet enregistrement mérite d'être saluée. Il ne s'agit pas d'un simple enregistrement mais de l'expérience de concerts donnés à Paris et Lyon.

Les moyens utilisés sont exceptionnels et mis au service de la redécouverte de la partition la plus subtile de Bellini.

Certains morceaux, pourtant très connus, sonnent comme jamais. La version critique d'Alessandro Roccataglia et Luca Zoppelli apporte beaucoup au génie de Bellini. Le retour aux tonalités d'origine dans les airs d'Elvino et certains duos apportent de la cohésion. Un air de Lisa est restauré et renforce le personnage de la piquante aubergiste. L'orchestration si délicate permet d'entendre toute la subtilité d'orchestrateur de Bellini. Les contre-chants de violoncelles, les interventions des bois apportent de chaudes couleurs au discours musical. La direction d' est toute en souplesse et sait être, tour à tour, délicate et énergique. Le moindre chœur s'intègre à l'action et devient intéressant. Le grand Concertato qui clos l'acte un, est d'une construction parfaitement rigoureuse. Dans les moments de chants élégiaques caractéristiques de ce bel canto romantique, il sait donner aux chanteurs le temps dont ils sont besoin mais sans alanguissement inutile. La partition devient vivante tout du long, ce qui justifie l'absence de coupures. Les grands moments lyriques attendus n'en prennent que d'avantage leur place idéale. L'orchestre et le chœur de l'opéra de Lyon sont magnifiques répondant à toutes les sollicitations de nuances du chef. Avec de telles bases les solistes peuvent donner le meilleur.

La plus grande découverte de cette version est que le rôle d'Elvino est fort intéressant. Dit mièvre et désuet, il redevient un personnage de premier plan. est absolument somptueux. Timbre de miel, nuances exquises et couleurs variées sont habilement utilisés pour construire son personnage. Il maîtrise à la perfection la technique lui permettant d'utiliser à volonté la voix de tête et de poitrine dans les aigus qui peuvent être claironnants ou languides. Le souvenir d'Alfredo Krauss n'est pas loin mais sans affectation et avec d'avantage de virilité. Dans les duos, il arrive à un équilibre rare et dans les morceaux d'ensemble ne démérite pas.

Mais la Sonnambule repose avant tout sur le rôle d'Amina. le fait sien et impose une vision qui finit par convaincre. La modestie et la rêverie sont les ingrédients qu'elle utilise. Quand on sait l'abattage et la projection victorieuse dont elle est capable on mesure le travail d'intériorisation qui est le sien. Ce parti pris étonne lors de son air d'entrée qu'on aimerai plus brillant et engagé mais a raison, la candeur et l'innocence sont ici indispensable et pourtant si opposées à la technique phénoménale que ce rôle exige. Car c'est l'un des paradoxes qui rend cet ouvrage si précieux. Il faut qu'il paraisse simple et bucolique alors qu'il s'agit d'une musique particulièrement sophistiquée : il n'y a pas plus difficile que la simplicité. Et Dessay, qui peut enflammer la scène comme peu, est ici une ombre pale, comme perdue. C'est en somme ce que ce rôle exige. Son interprétation a été mal comprise alors qu'elle repose sur les attentes poétiques du compositeur et de son librettiste.

La voix est très homogène, le medium particulièrement beau mais le suraigu reste inoubliable. Son phrasé bellinien est plein de poésie et l'articulation du texte est parfaitement dosée. La technique vocale est idéale, trilles, sons filés, vocalises, souffle infini et couleurs lunaires sont mises au service de cette interprétation délicieusement suspendue comme hors du monde.

Les autres rôles sont tenus à la perfection avec de très belles voix. est d'un luxe inouï dans le trop court rôle de Teresa, mais qui s'en plaindra ? Le Conte, Lisa et Alessio sont également très biens tenus avec des voix rares et des personnages bien campés. Jamais une version n'a si bien entouré la tendre Amina.

Le discophile tient là une version qui lui permet de saisir bien des niveaux du génie de Bellini, dans son opéra le plus poétique.

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