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Premières études pour le clavier de Domenico Scarlatti, italien madrilène

La pochette de ce disque, très suggestive avec ses moulins tout droit sortis de la Mancha et du roman picaresque de Don Quichotte, nous met d'emblée dans l'ambiance de cette musique profondément inspirée par l'Espagne. , né en Italie en 1685 (la même année que Bach et Haendel), adoptera l'Ibérie, durant de nombreuses années, s'imprégnant de ce fait de l'essence même de ce pays, par ses rythmes, ses mélodies, ses contrastes où l'ombre et la lumière se mêlent en une subtile alchimie.

On imagine la fascination d'un disciple comme le Padre Soler, qui perpétuera ce style rutilant. Scarlatti porte bien son nom, la couleur, il sait de quoi il parle, la joie, il nous l'annonce à la fin de sa préface en nous lançant un sympathique « vivi felice ! » (vis heureux). Tout est dit, et c'est bien ce que l'on découvre dans ces 30 sonates qu'il nomme Essercizi, véritables études pour le clavier, comme Chopin en composa plus tard. La danse, tel est le fil conducteur : jota, flamenco, tout ce que la musique populaire ibérique porte de plus noble se retrouve, jaillissant comme d'immenses gerbes d'eau, de feu ! Techniquement, ces études sont diaboliques : croisements de mains, gammes dans tous les sens, frénésie du discours. Chacune d'entre elles est un microcosme qui se nourrit de son originalité, de la mélancolie à la transe. Pour cela est un musicien rompu à vaincre toutes ces difficultés d'exécution, se jouant avec malice de toutes ces « peaux de bananes », lancées par Scarlatti dans la partition, dont un fac-simile moderne permet d'apprécier l'élégant graphisme, suggestif au possible.

Ici, chaque sonate devient un tableau baroque, avec ses courbes, ses aspérités et sa fausse apparente symétrie. Seul recueil publié à Londres du vivant du compositeur, il ouvre la voie aux 500 et quelques autres sonates qui suivront : un Everest !

Le clavecin de Bruce Kennedy d'après Ruckers est nerveux à souhait et capté dans une acoustique large propice à ces textes. Le clin d'oeil de la fin est significatif : pour la dernière sonate, Scarlatti écrit une fugue dont le thème lui aurait été suggéré par son propre chat se promenant sur le clavecin au hasard des touches, produisant un sujet des plus aléatoires. Le geste de ce chat, finalement très savant, engendre l'une des plus belles fugues de la littérature. Après les bruits de tavernes, Scarlatti démontre qu'il est bien l'égal de ses amis du club des cinq : Bach, Couperin, Haendel et Rameau.

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