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A Genève, une Flûte désenchantée

Rompant avec le secret toujours bien gardé des nouvelles productions lyriques, une dizaine de jours avant la première, les journaux locaux s'épanchaient sur ce spectacle à venir à grands renforts de détails sur le travail des costumes, des masques, du décor, de la mise en scène, de tout ce qui ferait de cette nouvelle production de Die Zauberflöte l'événement lyrique de cette saison.

C'est que le Grand Théâtre de Genève recevait le metteur en scène , l'une des stars montantes de la mise en scène d'opéra. Déjà sa mise en scène d'Il Barbiere di Siviglia de Paisiello avait enchanté le public et la critique de Bruxelles et de Lausanne. Avec sa manière flamboyante d'aborder l'art lyrique, Genève était impatiente de découvrir sa conception de l'œuvre mozartienne. Portraits et interviews se succédaient. On allait voir ce qu'on allait voir !

Et que voit-on ? De superbes costumes habillant un joli spectacle de Noël, un beau livre d'images pour enfants, avec des figures d'animaux fantastiques à têtes d'humains se succédant de tableaux en tableaux sans qu'on comprenne vraiment le sens de cette mascarade animale. Dans sa mise en scène, n'aborde ni l'aspect mystique, ni celui de la franc-maçonnerie chère à la majeure partie des spectacles de cet ultime opéra de Mozart. A force de s'en détacher, il désenchante Die Zauberflöte passant complètement à côté de l'esprit initiatique en n'en conservant, dans une imagerie fantastique, que l'aspect anecdotique. Ainsi les épreuves au travers desquelles Tamino et Papageno accéderont aux étages supérieurs de la conscience humaine ne sont que très superficiellement racontées. Les protagonistes marchent d'un état à l'autre comme ils passeraient d'une case à l'autre d'un jeu dont l'issue est déjà connue.

Tournant les pages de ce catalogue de figurines animales pour enfants, le continuel changement de décors (qu'on aurait eu plaisir à voir plus franchement colorés), la course des personnages, l'agitation scénique finissent par étouffer la musique. Perturbé par ces va-et-vient incessants, le chef d'orchestre ne réussit jamais à imposer la musique de Mozart à la scène. De guerre lasse, il délaisse la recherche de timbres et de sonorités qui pourraient donner vie à l'opéra. Sommeillant dans des tempi d'une lenteur incongrue, avec des cordes assourdies, des bois et des cuivres ouatés, il rend méconnaissable un sans couleurs, sans relief, d'une pâleur et d'une platitude inhabituelle.

Un malaise qui de la fosse d'orchestre s'étend sur la scène où la plupart des protagonistes sont vocalement sans nerf. Seuls les plus expérimentés s'en sortent. À l'image de la basse (Sarastro) dont la condition physique lui permet d'arriver au terme de son air O Isis, o Osiris malgré l'extrême lenteur du tempo choisi par le chef d'orchestre. D'un autre côté, le talent de comédien d' (Monostato) lui permet de brosser un personnage haut en couleur. Les autres protagonistes sont souvent décevants à des degrés divers. Pour avoir été l'époustouflante Zerbinetta de l'Ariane aus Naxos de l'an dernier, semblait tout indiquée pour cette Reine de la Nuit. Malheureusement, même si toutes les notes étaient au rendez-vous de la difficile partition, elle n'apporte que peu de couleurs à son personnage. La Pamina de Jennifer O'Loughlin et le Papageno de sont corrects sans plus alors que le ténor (Tamino) créée l'incompréhension totale sur sa piètre interprétation. Plus rien à voir avec le merveilleux Tamino qu'il enregistrait (live) en septembre 2005 sous la direction de Claudio Abbado. Aujourd'hui, sa voix a perdu de sa luminosité. Les aigus sont serrés et projetés avec de nombreux «coups de glotte».

Dans ce désert musical, seul le Chœur du Grand Théâtre de Genève relève le niveau vocal décidément bien faible pour une maison de la réputation du Grand Théâtre de Genève. Il est comme à son habitude parfaitement préparé. Totalement lumineux, il démontre sa superbe autorité vocale alors que, dans le chœur final Heil sei euch Geweihten, c'est lui qui semble diriger l'orchestre à la place du chef.

Crédit photographique : © GTG / Vanappelghem

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