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Janine Micheau, ou l’Âge d’Or du chant français

De la série « Les Rarissimes » d'EMI Classics qui nous a déjà valu la réédition souvent inespérée de tant de joyaux musicaux, voici, parmi la dernière production de huit titres, celui consacré à , soprano parmi les plus illustres qu'ait connus la France, et qui a suscité l'admiration sans réserve des grands compositeurs de son temps.

Sous la présentation graphique quelque peu sommaire de cet album, ne dévoilant à première vue que le nom de l'interprète et des compositeurs, se cachent des trésors attendus depuis si longtemps que cela en est incompréhensible, d'autant plus que deux des trois compositeurs – et – dirigent leurs propres œuvres : en ce qui concerne Milhaud, le fait était relativement fréquent, et nombreux sont les témoignages étalés sur toute sa carrière ; par contre, pour Honegger, le cas fut plus rare, Le Roi David étant d'ailleurs sa dernière contribution personnelle au disque.

C'est surtout dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale que la carrière de (1914-1976) prend son envol international. En 1950, elle tient à l'Opéra de Paris le rôle de Manuela – dont on retrouve ici deux extraits – dans la création de Bolivar de dont elle avait déjà créé celui de Creusa dans Médée en 1938, montrant ses affinités envers un compositeur qui écrira plusieurs mélodies à son intention.

Elle défend partout le répertoire français : sans compter ses nombreuses gravures pour Decca, elle participe en sublime Mélisande à celle de Philips dans l'ouvrage de Debussy dirigé par Jean Fournet, enregistrement qui obtiendra le Grand Prix de l'Académie du Disque Français en 1954, et on n'est pas près d'oublier la plus frémissante Rozenn du Roi d'Ys sous la merveilleuse direction d'André Cluytens, dans un enregistrement que EMI serait bien inspiré de rééditer enfin, puisqu'il a toujours à son catalogue la Leïla des Pêcheurs de Perles sous la baguette de Pierre Dervaux…

Si dans les œuvres de Milhaud et Ravel, est soliste à part entière, Le Roi David d' la voit aux côtés de musiciens légendaires tels que le baryton Pierre Mollet et l'illustre organiste-compositeur (qui participèrent tous deux à la version Tzipine de la Cantate de Noël). Dirigée par Honegger lui-même, cette interprétation de la version pour grand orchestre (1923) du Roi David, enregistrée en l'Église Saint-Roch à Paris en octobre 1951, demeure la référence de ce chef-d'œuvre, en dépit de celles qui lui ont succédé. La noblesse et la réelle grandeur véritablement biblique du récitant Jean Hervé compensant son style quelque peu emphatique et daté, la pureté des solistes, la beauté des chœurs et par-dessus tout la direction exhaustive de Honegger, associée à l'excellence, pour l'époque, de la prise de son Ducretet-Thomson d'une autre légende, l'ingénieur du son André Charlin, méritaient à coup sûr cette réédition en CD, même si la bande magnétique originale a beaucoup souffert et n'est pas exempte de défauts.

Si EMI France avait publié cet enregistrement aux débuts du CD, ces défauts auraient probablement pu être évités, aussi il est vraiment impérieux que les gravures purement orchestrales d' par son ami Georges Tzipine soient enfin transférés en CD au plus tôt, auquel cas contraire un inestimable patrimoine serait irrémédiablement perdu.

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