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La boite à joujoux à l’Opéra-Comique : Natalie Dessay en arbre de Noël

 

En programmant, dès sa réouverture, La boite à joujoux, l'Opéra-Comique réglait-il une sorte de dette historique à l'égard de Debussy ? En effet, dans les notes à la correspondance de Debussy, François Lesure nous rappelle : « L'orchestration de La boite à joujoux, « en voie d'achèvement » seulement en 1917, devait être achevée par André Caplet et le ballet ne fut créé qu'en 1919, après la mort du musicien. » Cela dit, pour nourrir l'instruction avec un peu plus de contraste, quand fin 1913/début 1914, Gheusi alors directeur de l'Opéra-Comique pensait monter La boite à joujoux, Debussy s'inquiétait auprès de son éditeur : « Voyez-vous ces pauvres marionnettes dans ce cadre où s'agitent habituellement les revendications d'Ariane, ou les fureurs de Golaud, il est vrai que c'est le moins souvent possible ! On m'a parlé d'une reprise de Pelléas. C'est beaucoup plus intéressant pour l'Opéra-Comique [ndlr : Debussy avait eu de grandes déceptions sur la production, à l'Opéra-Comique, de Pelléas et Mélisande début 1913]. Quant à La boite, il faut lui laisser son côté gentil, et la présenter d'une façon à peu près nouvelle. »

Présenter La boite à joujoux d'une façon « à peu près nouvelle », c'est l'ambition qu'a semblé avoir Didier Jeunesse pour sa collection « Contes et Opéras » en commandant à Rascal toute une narration à partir des gravures d'André Hellé sur la partition originale, à Régis Lejonc un jeu d'illustrations exactement dignes d'un livre pour enfants et à une orchestration pour quintette à vent et harpe. Le projet était initialement biblio-discographique : il s'agissait de produire comme une transcription dans les années 2000 et dans le marché du livre jeunesse contemporain de ce qui était à l'origine plus unitairement un objet poétique : le peintre André Hellé avait effectivement orné de gravures en couleurs la partition de piano que Durand publiait en décembre 1913, si bien que la dimension narrative y restait périphérique et pratiquement « bobinatoire ». Aussi, de voir La Boîte à joujoux programmé, pour sa réouverture, à l'Opéra-Comique, cela avait de quoi nous faire goûter à la crainte de Debussy d'y retrouver « la marque de notre époque où l'on fait de l'agrandissement avec rien du tout ! »

A la parution du CD, Maxime Kapriélian parlait d'un « admirable Roméo et Juliette dans une boîte de jouets », un peu comme Debussy écrivait à sa fille Chouchou (estampillée muse de cet ouvrage), à propos d'un fragment de Czerny, « un air de ballet pour puces ». À l'arrivée sur scène, les éclairages atténués sur les musiciens, l'écran de projection des illustrations surplombant les exécutants, il s'agissait de jouer la carte d'une certaine modestie d'administration, en mettant le prestige du lieu au service d'une production de prétention ouvertement plus ramassée…

emprunte les intonations du conte de la même manière que l'Ensemble exécute les citations de la partition : avec la malice bien suspendue, rien de privativement coquine, tout de même un soupçon de « gentillerie ». Les personnages élaborés par Rascal sont manipulés avec fantaisie et l'histoire tissée avec bon goût et finesse identifiable. D'autant que l'instrumentation de donne du volume à chacune des opportunités de rondeur sans refouler les plages plus abstraites. Ainsi, les périodes de narration alternant les moments simplement musicaux, l'auditeur avait bien de quoi se réjouir d'une unité de style tangible sans se sentir ballotté entre fil narratif et rêverie. Pour autant que l'album pour piano devenu mélodrame se donnait à consommer comme une animation culturelle (avis aux comités d'entreprise…).

Illustration : © Régis Lejonc

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