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Zeitung d’Anne Teresa De Keersmaker : virtuose austérité

La dernière création de la compagnie Rosas, par la chorégraphe flamande , pourrait être l'histoire d'un malentendu.

Se détournant de la pure abstraction à laquelle l'exigence de ses choix musicaux la conduit souvent, la chorégraphe n'offre pourtant pas à ses interprètes la mise en scène plus narrative que leurs fortes personnalités pourraient porter. Même lorsque la musique s'enflamme dans un style fortement évocateur, refuse tout pathos à sa compagnie. L'accompagnement musical conçu par Alain Franco alterne en effet piano live (Bach, le plus souvent) et pièces enregistrées pour orchestre (Webern, Schönberg). La musique de Webern, lyrique, est presque trop bavarde pour la danse sans apprêt qui s'y superpose. Son côté « musique de film » désarçonne, mais il est justifié par la mise en scène presque cinématographique du rapport qui s'esquisse entre les personnages. L'émotion sourd alors de cette atmosphère crépusculaire et étrange où évoluent des voyageurs sans bagages. Une étrangeté renforcée par un astucieux dispositif lumineux alternant néons hypnotiques et projecteurs classiques.

Vient Bach et sur le plateau vide, à l'exception de quelques châssis de tableaux retournés et d'un Bösendorfer sur lequel se plaquent des mains de pianiste, l'évidente et lumineuse simplicité de la musique sublime la danse. S'enchaîne alors une succession de moments musicaux et chorégraphiques sous la forme de solos, duos, trios ou quatuors. En toute liberté, on y retrouve cette écriture si caractéristique des pièces les plus récentes de la chorégraphe, où les corps semblent exclusivement pivoter autour des hanches, devenues le moteur de la silhouette, dans une spirale fluide et infiniment renouvelée.

Le tout, d'une époustouflante virtuosité, surtout chez les interprètes masculins, est cependant nimbé d'une certaine austérité susceptible de faire fuir les spectateurs les moins aguerris à l'art de la chorégraphe flamande. De temps à autre, cependant, un morceau rapide dynamise la pièce, qui en a parfois besoin. Un peu trop longue, au risque de perdre le fil et de se lasser, Zeitung est une pièce plus lyrique et plus sombre que celles auxquelles Anne Teresa De Keersmaker, à la tête d'une compagnie d'excellents danseurs, nous avait jusqu'alors habituée.

Crédit photographique : © Herman Sorgeloos

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