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Le tyran et la diva

Tosca nous apparaît toujours parmi les œuvres lyriques du siècle précédent comme une des plus percutantes et sans faiblesses.

Le scénario organisé autour de trois personnages obéit presque à la règle des trois unités, sans temps morts ; la progression dramatique se déroule inexorablement et la psychologie des personnages est plus subtile qu'il n'y paraît. La musique de Puccini est absolument admirable, par ses suggestions, par sa fausse simplicité, et elle laisse la voix maîtresse du jeu. nous présente cet ouvrage comme « une étrange cérémonie macabre, fiévreuse, perverse, sensuelle, sanglante et sauvage » et il nous fait participer à ce rituel par sa mise en scène.

Scarpia est en fait le personnage principal, comme nous l'avaient laissé deviner Illica et Giacosa. Il est un tyran qui use et abuse de son pouvoir, mais il n'est en rien une simple allégorie du mal : il avoue des appétits sensuels pervers et en même temps il sait parfaitement se servir des nobles sentiments de Tosca pour parvenir à ses fins. Ses rapports troubles avec la religion, qui est le fondement même du pouvoir à Rome sont traduits symboliquement par les deux couleurs de ses costumes, le noir des prêtres et la pourpre des prélats. Un portique à pilastres permet d'évoquer la splendeur écrasante des palais romains et une descente de croix peinte par ou à la manière de Véronèse ou de Tintoret évoque la sensualité de l'art baroque. La Piéta de ce tableau est réemployée au dessus d'un autel latéral et elle devient alors une statue de déesse menaçante.

, qui a mené une brillante carrière de baryton à travers le monde, est époustouflant : une présence scénique presque écrasante s'allie chez lui à des qualités vocales de puissance et de souplesse. Il montre Scarpia comme un homme de pouvoir impitoyable dans le premier acte, et dans le second comme un fauve cruel qui joue avec délectation de sa victime. nous a fait vivre un grand moment d'émotion avec Vissi d'arte, que le public a applaudi sans réserve. possède une voix ronde et puissante, qui s'épanouit avec une grande sensibilité dans le très célèbre air E luce van le stelle. Son jeu de scène peut cependant parfois sembler un peu conventionnel. Les rôles secondaires sont bien assurés et donnent à l'ensemble de la distribution un caractère d'homogénéité. Nous avons aussi bien apprécié les interventions des chœurs, et en particulier des chœurs d'enfants.

est décidément un magicien et depuis 2006 il revient régulièrement à Dijon pour notre plus grand plaisir. C'est la deuxième fois qu'il dirige ici une œuvre de Puccini et il sait faire chatoyer les sonorités si particulières de cet auteur : il fait ressortir la transparence de son orchestration, mais il met aussi en valeur les couleurs sombres des cuivres, en particulier dans le leitmotiv de Scarpia. En somme, même si beaucoup de spectateurs connaissaient déjà cette œuvre, le public n'a en aucun cas été déçu par cette version à la fois originale et brillante.

Crédit photographique : © DR

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