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Philippe Hersant aime la bagatelle

De Marin Marais et Tobias Hume – un gambiste et compositeur anglais du XVIIe siècle – à Janáček en passant par Moussorgski, assume sereinement la richesse de l'héritage culturel musical pour construire sa musique d'aujourd'hui.

Les Six bagatelles pour clarinette, alto et piano constituent la pièce la plus récente, puisqu'elle a été composée au printemps 2007 pour , et Johan Farjot, dédicataires de l'œuvre et initiateurs de ce disque. Elle est enregistrée en première mondiale (comme les Huit duos, In the dark et Apparitions), et pour cause : elle a été composée spécialement pour réunir les trois instrumentistes. D'une durée de 9 minutes, elle est caractéristique de son auteur avec sa forme en miniatures où se succèdent des atmosphères contrastées, dramatiques ou fluides, mais toujours teintées d'une introspection onirique. Ces qualificatifs s'appliquent à Apparitions (2006) pour violon, violoncelle et accordéon, d'une durée de 10 minutes, qui s'inscrit dans la continuité de l'opéra d'Hersant Le moine noir. Chacun des trois mouvements représente une apparition, avec l'accordéon incarnant le moine. Se succèdent alors des moments méditatifs, des danses tristes ou fougueuses, et une lente dissolution dans l'infini, c'est-à-dire la mort du moine « heureu[se] selon toute apparence » (selon Hersant). Les Huit duos pour alto et basson (1995) utilisent la même structure et la même diversité d'atmosphères que les Six bagatelles. Ecrits en étroite collaboration avec le flûtiste , et prenant en compte les recherches qu'il fit sur le son de cet instrument, cette œuvre ravira les amateurs de basson par l'exploitation qui en est faite de ses possibilités sonores et expressives.

Les deux œuvres solistes, In the dark (2005) pour clarinette et Pavane (1987) pour alto, illustrent la faculté de d'intégrer des matériaux extérieurs. Dédiée au clarinettiste Bernard Yannotta, In the dark cite des œuvres de compositeurs que celui-ci appréciait, tels Gershwin (dont le célèbre trait de glissando ascendant de Rhapsody in blue) et Copland. Pavane, s'inspire d'une pavane de Tobias Hume, dont écrivit qu'il s'est « senti imprégné par son esprit et son caractère : musique intimiste, intériorisée, introvertie, qui finit par se dissoudre dans le silence. » L'autre pièce d'inspiration baroque, le Trio pour piano, violon et violoncelle (1998) est la plus facilement mémorisable, car elle est constituée sur un carillon de trois notes, répété – avec des variations et transformations – à travers toute l'œuvre. Le Trio, d'une durée de 21 minutes, est fondé sur la Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont de Marin Marais, écrite alors pour violon, viole de gambe et clavecin publiée en 1723. La source baroque du Trio et le caractère obsédant du carillon sont patents dès la première écoute, mais il faut des écoutes répétées pour dépasser les tics stylistiques qu'on a dans la tête et entrer dans l'intimité de l'œuvre. Après un premier volume consacré à sa musique pour cordes chez Triton déjà très réussi, Philippe Hersant poursuit une collaboration fructueuse avec ce label. On ne peut que souhaiter qu'elle se poursuive.

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