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Le Livre d’Heures de Stockhausen

Biennale Musiques en scène 2008

Le rendez-vous auquel nous conviait la Biennale de Musiques en Scène ce dimanche 9 mars à 11h30 dans le décor luxueux du Grand amphithéâtre de l'Université de Lyon II avait un air de rituel, surtout lorsque les deux interprètes sont arrivées sur scène, mains jointes, et tout de blanc vêtues, pour donner en création française la « Deuxième heure » de Klang, le nouveau cycle des 24 heures du jour initié par en 2004, au terme des sept journées de la semaine de son opéra Licht. Cette pièce pour deux harpes intitulée Freude – parce que c'est le sentiment de joie qui a présidé à sa conception nous dit Stockhausen – a été commandée, à l'instar d'Himmelfahrt, sa « Première heure », – par Don Luigi Garbini, directeur artistique de l'ArtAche, une institution culturelle attachée à la cathédrale de Milan où elle fut créée le dimanche de Pentecôte 2006.

C'est Marianne Smit et Esther Kooi – à peine plus de vingt ans -, dédicataires de l'œuvre qu'elles jouent bien évidemment par cœur comme l'exigeait Stockhausen, qui étaient sur la scène lyonnaise pour interpréter Freude, sorte de cérémonial pour voix et instrument au cours duquel les deux harpistes vont chanter ensemble ou en alternance le Veni creator spiritus (on pense à Mahler) d'une voix blanche et séraphique légèrement amplifiée. Les quarante minutes de musique sont saisissantes, quasi hypnotiques tant l'adéquation du geste au son, de la voix à l'instrument y est totale, les deux harpistes évoquant à la faveur de certaines attitudes le hiératisme des figures antiques ou l'imagerie baroque de l'ange tirant de sa harpe des sonorités célestes. Il y a dans Freude, comme dans toutes les œuvres de Stockhausen, une investigation exhaustive et radicale de toutes les ressources sonores de l'instrument, des sons bruités ou percutés sur la table aux souples arabesques résonantes qui font de cette Deuxième heure une somme pour les deux instruments, une œuvre d'art total – conciliant le geste inscrit dans une chorégraphie, le chant et le jeu instrumental, le décor et les costumes – mais plus encore une prière d'où émane un total apaisement, l'» Abschied » du compositeur qui intitula sa « Quatrième heure » (et dernière œuvre imprimée), Les portes du ciel.

Crédit photographique : © Fondation Stockhausen

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