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Hommage à Scelsi

Né sans doute « trop tôt » dans un monde où il se sentira toujours étranger, n'a guère été fêté de son vivant. C'est dans sa villa romaine, au pied du Palatin et du Forum où il s'est retiré que les compositeurs de « l'Itinéraire » – Tristan Murail en particulier – « découvre » ce novateur dans les années 70, lors de leur séjour à la Villa Medicis et vont le faire connaître et éditer à l'étranger.

Voilà vingt ans que est mort laissant quelque 150 titres à son catalogue que l'on continue aujourd'hui d'explorer ; en témoignent la Sonate pour violon et piano de 1935 et le Divertimento n°4 (1955) pour violon solo exhumés par les Disques Solstice dans ce très bel et passionnant enregistrement complété par le Duo pour violon et violoncelle et Xnoybis, deux œuvres plus tardives s'inscrivant dans la période de maturité du compositeur.

De la Sonate de jeunesse en trois mouvements conduite par les tensions du geste bergien mâtiné de néo-classicisme, on retient l'éloquence et la fermeté du discours dans le premier mouvement ménageant une superbe cadence du violon ; la fluidité des lignes du mouvement central est servi par le toucher sensible et merveilleusement dosé du pianiste Jay Gottlieb – il a lui-même travaillé avec Scelsi – auquel s'associe le jeu élégant et racé de . Le Divertimento n°4 s'articule en quatre mouvements d'une certaine véhémence nourrie par les réitérations obsessionnelles du geste instrumental semblant « creuser » le son pour en faire jaillir les résonances lumineuses. L'archet aussi ductile que félin de épouse toutes les sinuosités d'un parcours labyrinthique guidant ici notre écoute « au cœur de la matière ». L'exploration « des contrées mystérieuses du son » est plus radicale encore dans le Duo (1965), pièce introspective où violon et violoncelle sont étroitement solidaires – les deux frères Tosi interfèrent leurs sonorités dans une énergie étonnement fusionnelle – tandis que Xnoybis pour violon solo (1964), écrit sur une seule note oscillant au quart de ton concentre l'écoute sur de nouveaux raffinements sonores, la granulation, les divisions microtonales, les différents modes d'entretien, autant de composantes participant de la richesse du son et de « sa force cosmique » nous élevant, selon Scelsi, vers « la résonance transcendantale ».

C'est en regardant vers l'Orient, à l'aune envoûtante de ses lignes ornementales – et tout en rejoignant la pensée de Scelsi à qui il rend un hommage appuyé – que compose en juillet 2007 son duo pour violon et violoncelle d'une seule voix, une œuvre « taillée sur mesure » pour les deux jeunes et fougueux interprètes Timothé et dont le mouvement des archets virtuoses rejoint d'un même élan la fulgurance de l'écriture. L'œuvre d'une grande lisibilité formelle qu'enchante l'imagination sonore de son auteur projette sur ce précieux album sa lumière éblouissante.

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