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Le Roi d’Ys à Liège, injustement oublié

«Vainement, ma bien-aimée» – il n'a y a pas très longtemps l'aubade de Mylio était le seul morceau connu du «Roi d'Ys» d'Edouard Lalo. Mais depuis peu, l'unique opéra du compositeur lillois est revenu sur les affiches : à Saint-Étienne d'abord, puis à Toulouse et maintenant à l'Opéra Royal de Wallonie.

Et à vrai dire, on ne comprend pas pourquoi cette œuvre extraordinaire avait disparu des programmations. L'histoire est captivante, la musique est passionnante et les trois rôles principaux sont des plus gratifiants. Espérons donc que l'actuel regain de popularité ne sera pas éphémère.

La production montrée à Liège, signée , vient de Saint-Étienne. Elle mise essentiellement sur deux principes : la lisibilité et la sobriété. Les décors impressionnants, formés d'immenses roches, soulignent le côté archaïque du mythe, les costumes mélangeant habilement, éléments médiévaux et éléments du XIXe siècle. Si la direction d'acteurs pourrait être par moments plus inventive, plus fouillée, elle ne contredit ni livret ni musique. Seule la fin nous est apparue trop sage. Alors que le livret nous parle d'une ville inondée par les flots de l'Océan, Pichon nous montre une écluse brisée et une petite pluie descendant des cintres du théâtre. Cela n'avait pas l'air trop menaçant…

Musicalement, la palme revient à , directeur musical de l'Opéra de Liège depuis cette saison. Malgré quelques incertitudes des vents en début de représentation, il impose une lecture dramatique et passionnante en soulignant le romantisme et les couleurs sombres (magnifiques violoncelles !) de cette riche partition. En même temps, il ne perd jamais de vue ses solistes qu'il accompagne avec délicatesse et soin. Ainsi, , soprano lyrique à la voix encore assez légère, n'est jamais mise en danger. Sa Rozenn jeune et lumineuse contraste avec la voix plus sombre, plus dramatique de . La chanteuse italienne, hésitant entre des emplois de soprano et de mezzo, trouve en Margared un rôle à sa guise. Médium large, aigu flamboyant, présence scénique captivante – tout est en place dans son incarnation de la «mauvaise sœur». Son complice, le prince Karnac, est interprété par . Avec sa voix puissante et ses dons d'acteurs, il fait oublier un aigu manquant parfois d'impact, tout comme Eric Martin-Bonnet, roi par ailleurs paternel et sensible. Reste le cas de Mylio. , révélé dans Marius et Fanny à Marseille en 2007 après avoir obtenu un deuxième prix au concours Opéralia 2006, nous gratifie d'une voix fort jolie, à l'aigu facile, voire vaillant (mention spéciale pour le contre-ut final). Dans le médium pourtant la projection laisse à désirer ce qui rend l'émission parfois poussive. Et la voix mixte – indispensable dans la fameuse aubade – est encore au stade de l'effort. Espérons que le jeune ténor travaillera ces défauts techniques avant qu'il ne soit trop tard.

Le public – dont de nombreux mélomanes allemands – s'est montré impressionné par cet opéra injustement oublié et a salué tous les interprètes de longues ovations.

Crédit photographique : © DR

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